L’histoire de la lombalgie en un mot

Début 21ème siècle

Contrairement aux fractures, infections, cancers, anomalies congénitales du bas du dos, etc., ce n’est que très récemment - c.à.d. depuis la première décennie du XXIe siècle, que des progrès ont été réalisés dans la recherche des causes de la forme la plus courante de lombalgie. Toutefois, cela ne signifie en aucun cas qu'un traitement de causalité sera bientôt disponible10a,10b.

buitenste vezelring

Intérêt financier, mais insuffisamment scientifique

Comment est-il possible qu’une condition simple et bénigne, qui évolue généralement de manière chronique, est devenue le problème médical le plus fréquent dans le monde1a,1b? Le nombre de patients souffrant de lombalgie surmonte ceux qui ont un cancer du coeur, cancer du poumon, cancer gastro-intestinal, cancer du rein, cancer de la vessie et toute autre sorte de conditions. Mais comment est-ce possible? La réponse est tout simple! D'une part, à la suite de la première révolution industrielle au XIXe siècle (le télégraphe, la charbon et les trains), la deuxième révolution industrielle du XXe siècle (téléphone, pétrole, électricité et autoroutes) et les deux Guerres Mondiales, la lombalgie a été en grande partie «résolue» par des compensations financières. Étant donné qu’on ne trouvait pas la cause, on était obligatoire de faire face au grand problème de lombalgie. D’autre part, la médecine ‘moderne’ en développement, montrait peu d’intérêt pour les vraies causes d’une ‘chose’ qui était de plus en plus considérée comme une conséquence des processus normaux de vieillissement et d’usure. On est cependant semblé très inventif à trouver pour cette ‘chose’ incompréhensible de nombreux traitements complètement inefficaces2. En fin de compte, ce n’était/n’est pas si grave, car personne n’est décédé ou décède de «lumbago» ou de la «douleur chronique au bas du dos».

Voeux pieux

Il y a longtemps, on croyait que la lombalgie pourrait apparaître comme conséquence des puissances mystérieuses3 et que les personnes nées par le siège ne présenteraient jamais des douelurs au bas du dos4. Pour la lombalgie, on pourrait être ‘aidé’ par des sorts4. On a même suggéré à ceux qui souffraient de vilaines douleurs à la cuisse et à la partie inférieure de la jambe de fumer leurs jambes au-dessus d'orties en flammes5. Les manuels d'histoire de la médecine décrivent en abondance à quel point les «érudits» peuvent être maladroits !

Des blessures pourraient-elles se produire dans le disque ?

Vers 1800 on a commencé pour la première fois à chercher la vraie cause de la lombalgie bénigne. Je ne sais pas à quoi il se sont basés, mais c’étaient des types très intelligents qui ont osé suggérer, sans avoir aucune preuve, que les petites lésions et inflammations des vertèbres et en particulier des disques intervertébraux pourraient être à l’origine de cette douleur6,7,8. Cent ans plus tard, de nouveau sans le moindre preuve, il a été répété qu’il fallait éviter l’accumulation de petites lésions afin de ne pas développer de lombalgie chronique9. Comment cela pourrait être évité n'a pas été mentionné. Ce n’était presque 200 ans après qu’un article scientifique bien documenté a apparu. Dans cet article on a déclaré que l’usure du disque intervertébral pouvait entraîner des blessures et des inflammations associées à des douleurs lombaires10a. Aujourd’hui, on cherche (aux Etats-Unis et en Espagne) intensément à des solutions pour neutraliser ces processus d’usure par des injections de cellules souches11. Il faut attendre pour savoir si on y arrivera.

Rayons X

En 1895, Röntgen avait déjà inventé les radiographies12. Étant donné qu’il était possible de rechercher pour la première fois ce qui se passait dessous la peau, un désir irrésistible de “voir” toutes sortes de résultats obtenus par les rayons X a été saisi comme cause de la lombalgie simple. Ainsi, de nombreuses anomalies à la hauteur de la transition du bassin à la colonne vertébrale13, des problèmes de «facettes»14 et des altérations de la grande articulation pelvienne15 ont été présentées comme cause. Aujourd'hui, ces types d'hypothèses surgissent encore de temps en temps. C'est comme si on pouvait déterminer périodiquement une raison de "douleur" depuis la Röntgen. Bien entendu, de nombreuses interventions chirurgicales (toutes sortes de fusions) ont également été mises au point pour gérer ces "causes". Cela a conduit à de nombreuses catastrophes produisant très peu de résultats : "la douleur dans le bas du dos" n'était résolue qu'occasionnellement - puis accidentellement. Un grand nombre de ces opérations sont désormais répertoriées dans le « musée des techniques chirurgicales». De temps en temps, on en retient un de sous la poussière.

Le patient souffrant de la lombalgie

Comme indiqué précédemment, la douleur au bas du dos et le lumbago ont été progressivement étiquetés «maladie» et, par analogie avec le «patient cardiaque», le «patient pulmonaire», etc., le «patient souffrant de lombalgie» est également apparu. On pourrait également lui prescrire une invalidité et une indemnisation (voir le blog «La lombalgie est devenue un problème médical» et le blog «Pourquoi la lombalgie demeure-t-elle si mystérieuse?»).

Parfois, il y a des discussions médicales importantes

Étant donné qu'on continuait de temps en temps à declarer (sans aucune preuve) que l'inflammation pourrait être à la base de la lombalgie, on accordait également une grande importance au repos au lit en tant que traitement16,17. Cependant, on savait déjà en 1884 que le repos au lit absolu pourrait engendrer des douleurs au bas du dos18. Cette déclaration a ensuite été confirmée par des médecins généralistes qui n'étaient pas d'accord avec les conseils des orthopédistes selon lesquels les lombalgies devaient être traitées avec un repos total19.

Un puzzle entouré de mystères et de devinettes

"Lumbago" et "lombalgie" restent, pour paraphraser Churchill, "un puzzle entouré d'un mystère de devinettes". Comme les théories et les tendances de la médecine classique ne permettent pas de résoudre le problème de la douleur au bas du dos, il n’y a aucune raison d’empêcher les ostéopathes et les chiropraticiens de pratiquer leurs traitements. À l'exception des douleurs lombaires dues à des causes graves, personne n'a jamais été handicapé par un traitement traditionnel ou non chirurgical!

Il y a une grande différence entre la lombalgie et l’incapacité de travail

Depuis la Seconde Guerre mondiale, une épidémie croissante d'incapacités physiques (temporaires) s'est développée à cause de la lombalgie20. Mais la lombalgie a toujours existé. Depuis environ 3 500 ans, on vous recommande en cas de douleur au bas du dos de vous reposer, d'effectuer un traitement local et d'essayer un traitement ‘spa and wellness’21,22. Aujourd'hui, ces «traitements» sont toujours en vigueur. Ils sont une solution temporaire et plus satisfaisante. Par expérience, je sais que c'est également amusant. Cependant, la lombalgie, que l'on ressent physiquement, et l'incapacité qui en résulte, que l'on ressent principalement financièrement, sont deux choses différentes. Dans le premier cas, historiquement, peu de choses ont changé. Dans le second cas, l’état peut vous aider. Et j'en ai connu peu qui ont refusé cette aide. Leur douleur au bas du dos, par contre, est restée présente!

Des squelettes préhistoriques

Dans les restes mortels de colonnes vertébrales de dinosaures23 et de néandertaliens24 des changements dégénératifs ont été enregistrés à la hauteur des vertèbres inférieures. Partout dans le monde, les vertèbres dégagées présentent des signes d'usure similaires25,26,27,28,29,30,31,32. Des recherches radiologiques (et aussi des IRM) ont montré à maintes reprises que, tout au long de l’histoire, ces phénomènes d’usure sur et dans les vertèbres du squelette sont exactement les mêmes que ceux observés dans le monde entier sur les Rayons X de l’homme «moderne»28,33,34. Jusqu'à récemment, on ne pouvait pas donner d'explication sans équivoque car, dans tous ces vestiges archéologiques, il manquait une structure très importante: le disque intervertébral. Le cartilage sèche et est digéré après la mort!

Des lésions dégénératives dans le disque intervertébral

Entre-temps, il a été observé par l'observation que les processus d'usure des disques intervertébraux, en particulier, entraînent des modifications dégénératives des vertèbres et que l'inverse est rarement vrai, sauf à la suite d'accidents. Contrairement aux conclusions des découvertes archéologiques relatives aux vertèbres, ce sont plutôt les lésions résultant de la dégénérescence des disques intervertébraux qui sont à la base de la douleur au bas du dos. Sans analyser les disques intervertébraux, on ne peut pas prétendre le contraire.
En 2006, pour la première fois, il a été résumé en détail comment évoluent les processus d'usure des disques intervertébraux et pourquoi ils constituent des causes possibles de lésions des trois composants du disque10a. Le processus de guérison lui-même est l’une des principales raisons de la responsabilité présumée des blessures pour le développement de la douleur au bas du dos. En particulier, les fibres nerveuses sensibles à la douleur peuvent se développer dans la cicatrice au cours de la formation de la cicatrice35,36,37,38,39,40,41,42,43,44,45.

La difficulté !

Le problème majeur reste donc pour le moment qu’on ne peut pas ou veut pas considérer ces petites lésions comme des causes possibles de douleur au bas du dos, car elles ne peuvent pas toujours être déterminées par radiologie. De plus, les fibres nerveuses sensibles à la douleur ne peuvent être observées que par microscopie. Tant que l'on ne visualise pas les cellules, les molécules et les processus chimiques provoquant des douleurs dans le dos, il est également difficile de prouver que la dégénérescence des disques intervertébraux est la cause principale du développement de la lombalgie. Voeux pieux, cela continue.

Le prochain blog parle de ce que le petit garçon sait avec certitude au sujet de douleurs lombaires courantes mais bénignes.

Références

1a Vos T et al., ‘Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 301 acute and chronic diseases and injuries in 188 countries, 1990-2013. A systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013’,
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1b The Lancet, ‘The global burden of disease study 2015’,
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2 www.guy-declerck.com / Degenerative Discogenic Syndrome / Therapeutic Considerations
3 Keele KD, ‘Anatomies of pain’,
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4 Black WG, ‘Folk-medicine. A chapter in the history of culture’,
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10b Adams MA, Bogduk N, Burton K, Dolan P, ‘The biomechanics of back pain. Third edition’,
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11 www.guy-declerck.com / Degenerative Discogenic Syndrome / Therapeutic Considerations / The road to innovative surgical approaches
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15 Goldthwait JE, Osgood RB, ‘A consideration of the pelvic articulations from an anatomical, pathological and clinical standpoint’,
Boston Med Surg J, 1905, 152:634
16 Bradford EH, Lovett RW, ‘Treatise on orthopedic surgery’,
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