La lombalgie : certitudes et doutes

De quels remèdes la médecine moderne dispose-t-elle contre les douleurs dans le bas du dos ?

Aperçu

  • Y a-t-il une seule personne au monde qui connaît l’origine de ses douleurs dans le bas du dos ?
  • Le patient souffrant de douleurs dans le bas du dos, que veut-il savoir ?
  • Qu’est-ce j’ai appris au sujet des douleurs dans le bas du dos lorsque j’étais étudiant en médecine ?
  • En ce qui concerne les douleurs dans le bas du dos, les compétences médicales n’avancent que lentement
  • Les médecins et les thérapeutes en savent bien peu de choses
  • Le rêve des médecins et des patients souffrant de douleurs dans le bas du dos
  • Dans quels cas vaut-il mieux faire des photos ?
  • Que faire lorsque les photos n’indiquent rien de grave ?
  • Références

Y a-t-il une seule personne au monde qui connaît l’origine de ses douleurs dans le bas du dos ?

Dans son livre intitulé ‘Pijn, je hoort nu bij mij’1, Theo Verbeke a recueilli 30 expériences vécues par des patients souffrant de douleurs dans le bas du dos. Chacun de ces patients décrit, avec ses propres mots, sa misère et son calvaire suite aux douleurs incessantes dans le bas du dos. Cependant, ce qui est étrange, c’est que personne parmi eux ne sait exactement pour quelle pathologie il a été traité. Plus étrange encore est le fait que, n’importe le traitement effectué, la douleur dans le bas du dos a persisté pour tous les patients, ou s’est même aggravée pour certains.

Le patient souffrant de douleurs dans le bas du dos, que veut-il savoir ?

Bien évidemment, tous les patients souffrant de douleurs dans le bas du dos veulent savoir de quelle pathologie il s’agit en réalité. Il leur est impossible de comprendre pourquoi cette douleur permanente dans le bas du dos détruit leur vie entière aussi bien physiquement qu’ émotionnellement. Ils veulent avoir la certitude qu’il ne s’agit pas d’une affection grave. Tous veulent être délivrés de cette douleur, et la plupart espèrent pouvoir reprendre une vie normale2.

Qu’est-ce j’ai appris au sujet des douleurs dans le bas du dos lorsque j’étais étudiant en médecine ?

J’ai appris que la médecine, sauf lorsqu’il est manifestement question de fractures, infections, cancers, inflammations etc. ignore entièrement la cause pour laquelle une personne développe des douleurs dans le bas du dos ! Et j’ai appris qu’en fin de compte, il nous faudra apprendre à vivre avec. Apparemment, à l’heure actuelle, quarante ans plus tard, on n’a guère fait de progrès…

En ce qui concerne les douleurs dans le bas du dos, les compétences médicales n’avancent que lentement

Le problème actuel, en 2019, est que dans la majorité des cas les médecins sont incapables de donner une explication précise de la douleur dans le bas du dos (voir blog : ‘La cause de la lombalgie ne peut être déterminée avec certitude dans 15% à 20% des cas'). Cela s’avère même au niveau international3. Grâce aux scanners actuels, on trouve tôt ou tard chez tout le monde un ‘bulging’ ou une ‘hernie’, ou on a l’impression que chacun développera une ‘arthrose’. Mais parce que la plupart des gens n’en est pas réellement importuné, il est difficile de démontrer que ces constats photographiques constituent effectivement l’origine de la douleur dorsale. Il faut beaucoup plus qu’une simple sténose discale, une saillie vertébrale, un ostéophyte, un bassin ‘tordu’ ou un dos un peu courbé pour engendrer la douleur dans le bas du dos4,5,6.

Le rêve des médecins et des patients souffrant de douleurs dans le bas du dos

Tant les patients souffrant de douleurs dans le bas du dos que leurs médecins sont d’avis (malgré le fait que les données susmentionnées sont généralement connues) que la meilleure stratégie consiste à faire un maximum de matériel photographique pour déterminer l’origine de la douleur dans le bas du dos. Ils restent en outre convaincus que ces photos mèneront finalement au traitement parfait7,8. Hélas, ce ne sont que des rêves !

Dans quels cas vaut-il mieux faire des photos ?

Lorsque l’ensemble des symptômes éprouvés dans le dos est une combinaison de p. ex. des douleurs nocturnes, de perte de poids inexplicable, fatigue, pâleur, insensibilité soudaine et incontinence, (parfois) aversion de viande rouge, une lésion suspecte doit être exclue ou confirmée9,10. Un examen minutieux est bien sûr crucial dans ce cas. Pour les infections et les abcès, cancers, fractures, inflammations, anévrismes provocant des fuites, des douleurs radiculaires et les différents types de syndrome de la queue de cheval etc., il existe des traitements non seulement effectifs, mais même très efficaces.

Que faire lorsque les photos n’indiquent rien de grave ?

Chez une personne éprouvant uniquement des douleurs dans le bas du dos, mais n’indiquant aucune autre douleur inquiétante, cela n’a aucun sens de faire et refaire des photos par IRM ou CAT. Sur presque 85% des photos, on ne voit que les différentes phases d’une évolution tout à fait normale des processus de vieillissement, pour lesquels il n’existe aucun traitement satisfaisant (cf. blog ‘radiologie de la colonne vertébrale’). Peut-être réussira-t-on à l’avenir de mettre en images la ‘douleur’. Grâce à l’invention médicale principale de 2015, le ‘Clarity Scan’, il est possible de visualiser durant des expériences scientifiques les cellules et molécules dans le cerveau de souris et de rats11. Si jamais on déterminait quelles sont les cellules et molécules qui sont responsables de la ‘douleur’, on pourrait probablement développer une machine qui met en images la ‘douleur’ humaine. Bon nombre d’anomalies dans les organes du corps humain ne provoquent même pas la moindre douleur.

Dans un blog suivant, je voudrais parler brièvement de la recherche fondamentale sur la douleur dans le bas du dos.

Références

1 Verbeke Theo, ‘Pijn. Je hoort nu bij mij. Verhalen van rugpatiënten’, Uitgeverij Groeninghe, 2011, ISBN 978 9461360 17 52

2 Froud R, Patterson S, Eldridge S et al., ‘A systematic review and meta-synthesis of the impact of low back pain on people’s lives’, BMC Musculoskeletal Disord, 2014, 15:50

3 Maher Ch, Underwood M, Buchbinder R, ‘Non-specific low back pain’, Lancet, 2017, 389:736

4 Farfan HF, ‘Mechanical disorders of the low back’, London, Henry Kimpton, 1973

5 Sambrook PN, MacGregor AJ, Spector TD, ‘Genetic influences on cervical and lumbar disc degeneration. A magnetic resonance imaging study in twins’, Arthritis Rheum, 1999, 42:366

6 Brinjikji W, Luetmer PH, Comstock B et al., ‘Systematic literature review of imaging features of spinal degeneration in asymptomatic populations’, Amer J Neuroradiol, 2015, 36:811

7 Buchbinder R, Staples M, Jolley D, ‘Doctors with a special interest in back pain have poorer knowledge about how to treat back pain’, Spine, 2009, 34:1218

8 Jenkins HJ, Hancock MJ, Maher CG et al., ‘Understanding patient beliefs regarding the use of imaging in the management of low back pain’, Eur J Pain, 2016, 20:573

9 Downie AS, Hancock MJ, Rzewuska M et al., ‘Trajectories of acute low back pain. A latent class growth analysis’, Pain, 2016, 157:225

10 Underwood M, Buchbinder R, ‘Red flags for back pain’, Brit Med J, 2013, 347:f7432

11 Karl Deisseroth, ‘A look inside the brain. A new experimental approach at the interface of chemistry and biology lets scientists peer into the deepest reaches of the body’s master controller’, Scientific American, October 2016:20

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