La recherche scientifique concernant les douleurs du bas du dos

Table des matières

  • Les facteurs de risque occasionnent rarement des lésions dans le bas du dos
  • La douleur du bas du dos n’est pas la conséquence d’un unique facteur
  • Les opinions divergent quant à l’efficacité des traitements existants
  • Si les médecins ignorent la solution, quel est le meilleur traitement ?
  • Que fait un patient pour comprendre l’origine de son problème ?
  • Une connaissance approfondie de l’anatomie est tout à fait nécessaire
  • Il est grand temps que la communauté médicale s’occupe du disque
  • L'étude du disque intervertébral ne reçoit pas l’intérêt qu’elle mérite
  • Le disque intervertébral diffère des autres organes
  • Dois-je donc, en attendant, apprendre à vivre avec mes douleurs du bas du dos ?
  • J’ai réappris à utiliser mon dos douloureux d’une manière intelligente
  • Références

Les facteurs de risque occasionnent rarement des lésions dans le bas du dos

Depuis des années, on étudie les facteurs de risque pouvant occasionner la douleur dans le bas du dos. Mais même dans des conditions de laboratoire, on ne réussit que rarement à démontrer que les facteurs de risque connus occasionnent effectivement des lésions dans les nombreuses structures rachidiennes et / ou intervertébrales. Tout le monde ne se casse pas une vertèbre, se déchire une partie du disque intervertébral ou développe une hernie parce qu’il ou elle est resté assis, debout ou a marché trop longtemps, ou s’est penché, a dû soulever ou tirer un poids. Porter ou tirer des charges, par exemple, peuvent provoquer des douleurs dorsales mais sont rarement à l’origine d’une lésion sérieuse et durable de la colonne vertébrale.

Une étude relativement récente et qualitative est arrivée à la conclusion qu’aucun médecin ne peut démontrer par un test clinique qu’une structure précise de la colonne vertébrale est responsable des douleurs du bas du dos2. En d’autres termes, même pour les examens cliniques, la stratégie consiste souvent à « deviner et se tromper ». Et tant qu’une blessure ne peut pas être clairement désignée comme responsable, il est impossible de développer un traitement adapté. On ne peut qu’espérer diminuer l’apparition des symptômes en apprenant à éviter les facteurs de risque.

La douleur du bas du dos n’est pas la conséquence d’un unique facteur

Grâce à de très nombreuses données scientifiques publiées depuis les années septante, on sait que la douleur dans le bas du dos est rarement la conséquence d’une seule cause (p. ex. un accident, un cancer, une infection, une inflammation, etc.). La douleur dans le bas du dos apparaît presque toujours suite à une conjonction de plusieurs facteurs. La douleur dans le bas du dos résulte d'un ensemble de facteurs génétiques, de charges biomécaniques et de modifications biochimiques, également responsables des phénomènes de vieillissement et de dégénération.

Les génies de la médecine ont pu jusqu’à présent élucider divers aspects du problème, mais il leur manque encore plusieurs réponses pour résoudre l’énigme de la douleur du bas du dos3. La douleur dorsale est un phénomène complexe et non pas simplement la conséquence de telle ou telle activité professionnelle, comme on le croit généralement. Les personnes qui ne sont pas prédisposées génétiquement à développer des douleurs dans le bas du dos, peuvent lever et traîner des poids à volonté. Peut-être que de temps en temps elles éprouveront des douleurs musculaires. Mais rarement elles développeront des lésions dorsales, peu importe la contrainte physique du travail effectué.

Les opinions divergent quant à l’efficacité des traitements existants

Des scientifiques issus de plusieurs disciplines étudient depuis des millénaires la douleur du bas du dos4. Et croyez-le ou non, tant pour les patients faisant face à ces douleurs que pour les médecins, il demeure difficilement admissible, qu’en 2019, il n’existe toujours aucune solution universelle aux douleurs chroniques du bas du dos5,6.

Si les médecins ignorent la solution, quel est le meilleur traitement ?

Étant donné qu'on ne peut généralement déterminer une cause ou une lésion, les traitements actuellement proposés consistent à "deviner, essayer et se tromper". Les patients souffrant de douleurs du bas du dos font donc face à de nombreux potentiels traitements7. Parfois certaines thérapies rencontrent un succès, mais souvent, c'est mère nature qui met spontanément la main à la pâte (ce qu’elle ferait d’ailleurs également sans les remèdes susmentionnés). Le traitement appliqué s'additionne pour ainsi dire au processus naturel de guérison, et n’est donc en réalité pas vraiment nécessaire. Néanmoins, vu qu’on ignore l’origine du mal, le champ est libre pour inventer toutes sortes de traitements farfelus. À première vue, il y a peu de risques de ‘penser comprendre la douleur du dos et prescrire un traitement sans connaissance de cause’. En effet, jusqu'à présent, personne n’est mort à cause d’une simple ‘douleur chronique dans le bas du dos’. D’ailleurs, ce terme général a été inventé par la médecine au XXe siècle sans savoir quelle en était réellement la cause.

Que fait un patient pour comprendre l’origine de son problème ?

Les hommes du métier comme les garagistes, les électriciens ou les plombiers ont l'habitude de tout ouvrir pour identifier (généralement rapidement) l'origine du problème. Pour trouver à l'heure actuelle une explication simple aux douleurs du bas du dos, il va nous falloir continuer à exploiter tous les moyens à la disposition des scientifiques, y compris l'examen approfondi des colonnes et disques intervertébraux de personnes décédées3,8,9,10,11.

Une connaissance approfondie de l’anatomie est tout à fait nécessaire

La connaissance de l’anatomie d’un organe a toujours été, pour autant que je sache, la base qui permet de comprendre pourquoi des changements dans certaines parties de cet organe peuvent causer des douleurs et rendre ainsi les patients misérables. Pour cette raison, une connaissance approfondie de l'altération des disques intervertébraux au cours de la vie humaine est tout à fait essentielle. Le disque vieillissant et dégénérant diffère fondamentalement du disque sain et intact d’une jeune personne. En comprenant les modifications biochimiques que subit le disque au fil des années, le développement de traitements novateurs est favorisé, ce qui pourrait permettre de maîtrisier la douleur du bas du dos12

Fig 1Fig. 1. Apparence générale des disques intervertébraux L4-L5 et L5-S1 à divers âges. Les images sont représentatives pour tout le monde. Les phénomènes progressifs de vieillissement progressifs sont évidents. A gauche, 18 ans (X89/43); au milieu, 42 ans (X90/344); à droite, 70 ans (X89/859).

 

 

 

Il est grand temps que la communauté médicale s’occupe du disque

Grâce à l'imagerie médicale, on peut très facilement voir se qui se passe dans le corps vertébral après une fracture, un cancer, une infection, une décalcification, etc. (voir blog ‘Corps vertébral’). Cependant, l'évolution du disque intervertébral est tout autant importante si l’on veut expliquer la douleur dans le bas du dos (et, ce qui est souhaitable, si l’on veut la diagnostiquer avec le temps). Si quelqu’un veut comprendre l’origine de la douleur du bas du dos, il est recommandé de comprendre les fonctions mécaniques du disque, de connaître les données précises concernant le vieillissement et l’usure éventuelle des structures, de comprendre comment une hernie peut se développer, et pourquoi les vertèbres peuvent se déplacer (spondylolisthèse) et / ou comment le canal rachidien peut se rétrécir (sténose spinale).

Lorsqu’un patient comprend toutes ces choses, il comprendra aussi pourquoi du temps est nécessaire avant qu’un traitement biologique efficace ne puisse être développé. Pour cette raison, il est nécessaire de bien étudier la structure des trois parties du disque intervertébral et de renoncer à la fausse idée que le disque n’est rien de plus qu’un ‘petit coussin’ servant à amortir les chocs. Le disque est structurel et donc d’un point de vue biomécanique incapable de parer efficacement les chocs (voir articles à venir).

L'étude du disque intervertébral ne reçoit pas l’intérêt qu’elle mérite

Pour approfondir leurs connaissances en matière d’anatomie, les ‘guérisseurs’ de l’antiquité, tels Hippocrate, Hérodote, et Galien, examinaient les disques intervertébraux de soldats tombés sur le champ de bataille. Voilà une question bien intéressante que les raisons derrière la douleur, les lésions et les maladies ! Depuis lors, des millénaires se sont écoulés. Le christianisme, gagnant en puissance, interdisait d’investiguer le pourquoi des choses, de penser rationnellement, de disséquer une personne humaine. Une épée de Damoclès menaçait tous ceux osant exprimer le moindre doute concernant les thèses de la théologie chrétienne13. Au XVIe siècle, Vésale avait eu l’audace (sous peine de mort) de disséquer à nouveau le corps humain.

La médicine a pu à nouveau progresser. Néanmoins, il y avait (et il y a toujours) des choses bien plus intéressantes à étudier que les disques vertébraux. Même de nos jours, ce petit disque de cartilage d’un diamètre d’environ 12 à 14 cm² obtient moins d’intérêt que p. ex. le cerveau, le cœur et les poumons. En effet, si ces organes tombent en panne, cela peut être mortel 14,15,16,17. À travers le monde pourtant, ces trois éléments discaux causent plus de douleur et de désespoir que l’ensemble des pathologies organiques7.

Le disque intervertébral diffère des autres organes

Ce que beaucoup de gens considèrent comme ‘un insignifiant disque de cartilage entre les vertèbres’, est en réalité un des organes les plus complexes et intrigants du corps humain. Alors que tous les autres organes du corps sont encore en plein développement durant l’adolescence, la structure intervertébrale commence déjà à vieillir dès l’âge de 15-16 ans. C’est la seule partie du corps qui n’est presque pas irriguée et ne dispose donc que de peu de moyens de guérison spontanée.

En outre, le disque est fait de trois éléments différents, composés chacun d’un type de cartilage particulier. Et puisque l’homme est le seul mammifère qui marche debout, ce disque souffre, bien avant n’importe quel autre organe, de vieillissement ou même de phénomènes d’usure.

Dois-je donc, en attendant, apprendre à vivre avec mes douleurs du bas du dos ?

Dois-je donc me résigner à attendre de nombreuses années avant que l'on puisse remédier à mes douleurs du bas du dos ? Non ! Il y existe des exercices spéciaux qui peuvent renforcer les muscles du dos et du ventre, même s’il est certain que les patients souffrant de douleurs chroniques dans le bas du dos développent des changements irréversibles dans leur musculature dorsale18. Moi-même, j’évite le plus possible les antidouleurs19. Ma colonne vertébrale a été manipulée et ‘redressée’, et malgré cela mon dos est toujours aussi courbé. Mes hernies n’ont jamais été opérées, mais ont, entre-temps, spontanément disparu, ou, en termes plus corrects, se sont ‘résorbées’. Jamais de ma vie je n'envisagerais de stabiliser mes vertèbres avec des plaques et des vis, pour faire partie des 80% des patients opérés qui continuent de souffrir, ou souffrent même plus qu’avant de douleurs du bas du dos20,21,22,23,24.

J’ai réappris à utiliser mon dos douloureux d’une manière intelligente

Toute personne souffrant de douleurs dans le bas du dos est incapable de garder une posture correcte. Par conséquent, cette personne prendra inconsciemment des positions peu naturelles, et son corps perdra une grande partie de sa mobilité. En d’autres termes, les patients atteints de douleurs dans le bas du dos perdent le sens de la ‘proprioception’. Les coachs en mouvement (spécialistes de l’ ‘Intelligent Motion’) qui tentent de rétablir une mobilité normale de la colonne vertébrale, rencontrent plus de succès que tous ceux qui se cantonnent à l’approche traditionnelle25.

Dans les articles à venir, j'aborderai les explications que la science donne actuellement aux douleurs du bas du dos. Par contre, fournir une preuve ‘noir-sur-blanc’,  c'est une autre paire de manches !

Références

1 Coenen P, Gouttebarge V, van der Burght AS et al., ‘The effect of lifting during work on low back pain. A health impact assessment based on a meta-analysis’, Occup Environ Med, 2014, 71:871
2 Hancock MJ, Maher CG, Latimer J et al. ‘Systematic review of tests to identify the disc, SIJ or facet joint as the source of low back pain’, Eur Spine J, 2007, 16:1539
3 Adams MA, Bogduk N, Burton K, Dolan P, ‘The biomechanics of back pain. Third edition’, Churchill Livingstone, 2013
4 Breasted JH, ‘The Edwin Smith surgical papyrus’, University of Chicago Press (cf. Google)
5 Vos T et al., ‘Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 301 acute and chronic diseases and injuries in 188 countries, 1990-2013. A systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013’, Lancet, 2015, 386:743
6 The Lancet, ‘The global burden of disease study 2015’, Lancet, 2016, 388:1447-1850
7 Maher Ch, Underwood M, Buchbinder R, ‘Non-specific low back pain’, Lancet, 2017, 389:736
8 Declerck Guy MC, ‘Neuropathologic spinal anatomy of all cervical, thoracic and lumbar intervertebral discs in 23.539 consecutive sagittal vertebral autopsies in different types of pathologies. A continuous observation during 50 years’, Observations made at the Department of Neuropathology, University of Western Australia In cooperation with the professors BA Kakulas & JR Taylor and Sir George M. Bedbrook Some data are and will be shown on www.guy-declerck.com
9 Kakulas BA, Bedbrook GM, ‘Pathology of injuries of the vertebral column with emphasis on the macroscopic aspects’, In: Vinken PJ, Bruyn GW (eds), ‘Handbook of clinical Neurology. Injuries of the spine and spinal cord’, North Holland Publishing Company, Amsterdam, 1976, Vol 25:27-42
10 Schmorl G, Junghanns H, ‘Die gesunde und kranke Wirbelsäule in Röntgenbild und Klinik. Pathologisch-anatomische Untersuchungen. 5th Edition‘, Georg Thieme Verlag, Stuttgart, 1968
11 Raushning W, ‘Anatomy and pathology of the lumbar spine’, In: ‘Adult Spine: Principles and Practice. 2nd Edition’, Frymoyer JW (Editor in Chief) Lippincott-Raven Publishers, Philadelphia, 1997
12 www.guy-declerck.com / Degenerative Discogenic Syndrome / The road to an innovative surgical approach
13 ‘De anatomische preparaten van Frederik Ruysch’ (cf. google)
14 Van Der Schueren G, ‘Stelselmatige Anatomie van de Mens‘, Arscia Uitgaven N.V., Brussel, 1969:99
15 Ferner H & Staubesand J, ‘Sobotta/Becher. Atlas der Anatomie des Menschen’, Urban & Schwarzenberg, München-Berlin-Wien, 1972:98
16 Snell RS, ‘Clinical Anatomy for medical students’, Little, Brown & Compagny, 1973:817
17 Anderson JE, ‘Grant’s Atlas of Anatomy’, The Williams & Wilkins Company, Baltimore, 1978:5/17
18 Declerck GMC, www.guy-declerck.com / Spinal Pathologies / Paravertebral Lumbar Spinal Muscles
19 Julia Bellux, ‘Doctors finally admit drugs can’t fix most cases of back pain. The American College of Physicians now recommends heat therapy and yoga ahead of pain meds for low back pain’, Vox Topics Trendy, 2017, Feb 14
20 Declerck GMC, www.guy-declerck.com / Degenerative Discogenic Syndrome / Therapeutic Considerations
21 Brox JI, Reikerås O, Nygaard Ø et al., ‘Lumbar instrumented fusion compared with cognitive intervention and exercises in patients with chronic back pain after previous surgery for disc herniation. A prospective randomized controlled study’, Pain, 2006, 122:145
22 Brox JL, Sørensen R, Frijs A et al., ‘Randomized clinical trial of lumbar instrumented fusion and cognitive intervention and exercises in patients with chronic low back pain and disc degeneration’, Spine, 2003, 28:1913
23 Fairbank J, Frost H, Wilson-Marc D et al., ‘Randomised controlled trial to compare surgical stabilisation of the lumbar spine with an intensive rehabilitation programme for patients with chronic low back pain. The MRC spine stabilisation trial’, Brit Med J, 2005, 330:1233
24 Mirza SK, Deyo RA, ‘Systematic review of randomized trials comparing lumbar fusion surgery to nonoperative care for treatment of chronic back pains’, Spine, 2007, 32:816
25 www.intelligentmotion.be

 

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