Arthrose des bras et jambes : ce que nous devrions tous savoir

Table des matières

    • L’histoire habituelle
    • Ostéo-arthrite, un meilleur terme qu’arthrose
    • Vous vous êtes fait une frayeur
    • Parfois, les signes sont encore plus clairs
    • Réduction des activités
    • Examens sanguins
    • L’« arthrose » : qu’est-ce c’est ?
    • Pendant longtemps, on ne sent rien
    • Au début, les radios ne permettent pas de voir l’arthrose
    • Attention : la douleur n’est pas visible sur les radios
    • Mais la douleur articulaire, qu’est-ce que c’est ?
    • L’arthrose, c’est courant ?
    • Quelques chiffres
    • Un autre point important
    • Seule une personne souffrant d’arthrose sur trois ressent des douleurs
    • Je souffre moi-même d’arthrose à mon genou gauche : pas de panique !
    • Références

Histoire habituelle

Depuis 2-3 mois, vous ressentez dans une de vos articulations une raideur qui s’accompagne de douleurs. La douleur irradie vers les zones voisines (par exemple en cas d’arthrose de l’articulation de la hanche, vous ressentez aussi une gêne au niveau des genoux et du bas du dos).

Ostéo-arthrite, un meilleur terme qu’arthrose

Le rapport radiologique vous apprendra que l’interligne articulaire s’est rétréci, que des excroissances osseuses (ostéophyte) et des zones plus denses (sclérose) sont apparues, et que l’os autour de l’articulation (os sous-chondral) affiche des petits trous (kystes). Il s’agit de preuves radiologiques assez claires, qui découlent d’une dégradation générale de l’articulation (Fig. 1). C’est pourquoi le terme ostéo-arthrite est plus adapté. Le terme arthrose est néanmoins tombé dans le langage courant. D’autres affections qui peuvent toucher les articulations sont, entre autres, l’arthrite rhumatismale, la goutte, le lupus et la fibromyalgie.

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Fig. 1. Radiographies d’arthrose dans un stade avancé, au niveau des deux articulations de la hanche et du genou gauche. On voit ici les quatre signes typiques de l’arthrose : rétrécissement de l’interligne articulatoire provoquant une dégradation du cartilage, des excroissances osseuses (ostéophytes) afin d’augmenter la surface articulatoire et une ostéosclérose. Ces phénomènes sont dus au fait que les surfaces articulatoires se rapprochent de plus en plus l’une de l’autre, ce qui entraîne l’usure de l’articulation (et donc des trous = kystes) au point que des morceaux d’os sous-chondral finissent par mourir. Dans les cas les plus graves, on remarque parfois (pas sur ces images) des souris articulaires (image utilisée avec l’autorisation du chef de service de radiologie, 2017, ASZ, A lost, Belgique)

Vous vous êtes fait une frayeur

Naturellement, vous avez pris un coup au moral lorsque le médecin vous a annoncé que la détérioration de votre articulation était déjà bien avancée. En réalité, vous avez seulement récemment remarqué que vous deviez adapter votre position pour soulager la douleur de votre articulation raidie. Cela a souvent lieu le matin, lorsque vous vous levez, ou après le repos, après une sieste par exemple.

Parfois, les signes sont encore plus clairs

Vous avez peut-être aussi remarqué que votre articulation était plus douloureuse par temps humide que que par temps sec. Cela prouve la présence de phénomènes inflammatoires sérieux (stérile, donc sans « microbes »). Une petite articulation, comme celle du doigt, peut gonfler ; être chaude au toucher et, dans les cas plus graves, devenir rouge. Dans ce cas, il arrive que vous vous réveilliez vers 2-3h du matin à cause de la douleur.

Réduction des activités

Étant donné que l’arthrose est un phénomène irréversible, la mobilité de l’articulation se voit progressivement réduite : tendre, plier, se pencher, s’accroupir, marcher, pivoter, monter ou descendre des escaliers sont d’autant de mouvements qui deviennent de plus en plus difficiles. La mobilité et fonctionnalité de l’articulation est perturbée au point que de nombreuses activités du quotidien peuvent s’en retrouver compromises. Vous êtes de moins en moins sûr de vous, car vous sentez que votre articulation peut « se décaler » et se bloquer à tout moment. Peut-être même que vos jambes ont déjà cédé sous votre poids.

Examens sanguins

Les examens sanguins ne permettent pas de démontrer la présence d’arthrose, mais sont effectués afin d’éliminer d’autres causes possibles des douleurs articulaires.

L’« arthrose » : qu’est-ce c’est ?

Lors de mes études de médecine (1970-1978), on nous a enseigné que l’« arthrose » était due à une dégradation du cartilage. On s’est d’ailleurs longtemps contentés de cette explication1. En réalité, c’est bien plus grave ! Pour pouvoir parler d’arthrose en effet, la dégradation doit concerner le cartilage, la membrane et le liquide synovial, aussi bien que l’os sous-chondral. Par conséquent, l’arthrose ne peut se développer que dans les articulations dites « synoviales », telles que la hanche, le genou, la cheville, les orteils, l’épaule, le coude, le poignet, le pouce et les doigts2. Les articulations ne peuvent se mouvoir normalement que si ces quatre sous-parties sont intactes. C’est pourquoi l’arthrose ne peut se déclarer dans les disques intervertébraux, car ceux-ci ne contiennent pas de liquide synovial. Parler d’« arthrose du disque » a donc autant de sens que de parler de « cercle carré ».

Pendant longtemps, on ne sent rien

C’est précisément parce que la dégradation nécessite d’être déjà bien avancée avant que nous ressentions éventuellement une douleur et/ou une raideur qu’il est souvent trop tard. L’« arthrose » commence aux alentours de 30 ans. Néanmoins, presque personne ne s’en rend compte à cet âge. Une autre particularité est que l’arthrose se développe plus souvent dans les articulations de la hanche et des genoux que dans celles des chevilles, alors que celles-ci sont bien plus sollicitées. On ne peut donc pas parler d’arthrose dès qu’il y a « surcharge ».

Au début, les radios ne permettent pas de voir l’arthrose

Il est tout à fait possible de ressentir des douleurs articulatoires spontanées sans pour autant qu’elles soient visibles sur des radios classiques. Dans sa première phase, l’arthrose se développe discrètement et ne peut être révélée qu’à l’aide d’un scan magnétique (Fig. 2).

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Fig. 2. IRM (en combinaison ou non avec du gadolinium) est actuellement le seul moyen d’imagerie qui permet de diagnostiquer rapidement des dégradations dues à l’arthrose dans le cartilage, la membrane, le liquide synovial et l’os sous-chondral. Ces IRM illustrent une arthrose de l’articulation de la hanche, ainsi que sur la face interne et externe du genou gauche (image utilisée avec l’autorisation du chef de service de radiologie, 2017, ASZ, Alost, Belgique).

Attention : la douleur n’est pas visible sur les radios

Les examens radiologiques ne peuvent que laisser voir les anomalies, mais ne permettent pas de visualiser la douleur (voir l’article « L'énigme de la douleur »). On peut prouver la présence d’affections, de maladies, des malformations, des fractures, etc., mais la douleur, elle, n’est pas visible en soi. En d’autres termes, la douleur est une sensation totalement subjective.

Mais la douleur articulaire, qu’est-ce que c’est ?

La description de la douleur fut fixée en 1979 par les experts médicaux de l’« Association Internationale d’Étude de la Douleur » comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes ». Depuis lors, on a compris dans quelle partie du cerveau les signaux de douleurs étaient traités3,4,5. La douleur aigüe (par exemple due à une fracture) apparait dans une zone qui ne génère aucune émotion (le cortex insulaire ou insula), alors que les douleurs chroniques sont traitées par une partie du cerveau qui traite aussi des émotions et l’accoutumance (les amygdales et les noyaux accumbens). En outre, il n’existe aucun lien entre le nombre de malformations présentes (des suites de l’arthrose) et la douleur ressentie6. C’est pourquoi un tout petit peu d’« arthrose » peut provoquer d’énormes douleurs, alors que des cas d’arthrose avancée peuvent être quasiment indolores.

L’arthrose, c’est courant ?

« L’arthrose » est connue à travers le monde comme une des affections articulaires les plus courantes et la première cause de douleurs et de raideurs chez la population âgée 7,8. Le processus de vieillissement est en partie responsable de l’apparition de l’arthrose 9. Comme les individus, les cellules de cartilage deviennent un jour inutiles et « partent à la pension » (= apoptose et sénescence), ou finissent simplement par mourir (= nécrose). Cela réduit bien entendu les possibilités de guérison.

Quelques chiffres

À l’échelle mondiale, environ 10 % des hommes et 20 % des femmes de plus de 60 ans font face à des douleurs et raideurs dues à l’arthrose des articulations de la hanche ou du genou, et parfois de la cheville10. Aux États-Unis par exemple, l’arthrose a été diagnostiquée chez 54 millions d’adultes de 18 à 64 ans (23 %). Une personne sur deux reconnait se retrouver limitée dans ses activités quotidiennes, comme sortir de la voiture, porter les courses ou tenir une tasse de café. En outre, de nombreux patients souffrant d’arthrose font état de maladies cardiaques, d’obésité ou de diabète. Étant donné que leur qualité de vie s’en retrouve diminuée, un patient sur trois fait face à des états d’anxiété ou dépressifs11.

Un autre point important

Il est intéressant de remarquer que les radios montrent des traces visibles d’arthrose chez presque tout le monde, une fois un certain âge atteint, mais qu’un nombre limité de ces patients ressentent des douleurs. En cas de douleurs, l’arthrose va de pair avec des limitations physiques croissantes et des problèmes de marche. À cause de ces conditions de plus en plus limitantes, l’arthrose augmente le risque de mort prématurée 7,12.

Seulement une personne souffrant d’arthrose sur trois ressent des douleurs

C’est donc tout à fait faux de dire qu’une arthrose visible sur radios est ou deviendra douloureuse. En examinant des patients décédés (= autopsie), on fait souvent état d’une arthrose une fois l’âge de 55 ans atteint. Seule une personne qui souffre d’arthrose sur trois ressent des douleurs au niveau de cette articulation. Personne n’est jamais mort, ou ne mourra jamais, simplement à cause d’une arthrose. Les causes de décès les plus courantes restent les maladies cardio-vasculaires, les maladies pulmonaires, le diabète et le cancer13,14,15. On remarque d’ailleurs souvent une arthrose des articulations facettaires des vertèbres en effectuant des examens radiologiques des poumons et du thorax. En réalité, la plupart des patients ne se rendent pas compte qu’ils souffrent d’arthrose16. Nous aborderons ce détail de façon plus approfondie dans un prochain article.

Je souffre moi-même d’arthrose dans mon genou gauche : pas de panique !

Il n’y a donc aucune raison valable de paniquer face au diagnostic d’une « arthrose ». Aujourd’hui encore, aucun médecin à travers le monde n’est capable d’expliquer comment votre arthrose évoluera. Aucun médecin ne sait non plus comment l’empêcher de se développer et la ralentir. Aucun médecin ne pourra vous garantir que votre arthrose restera indolore. Lorsque, des suites d’une arthrose, vous ressentez des douleurs ou souffrez de maux, les médecins vous diront probablement que votre articulation se trouve déjà dans un stade de dégénération avancée et irréversible. Vous voilà alors pris dans une tempête de pilules, d’injections et d’opérations. En tant que chirurgien, je n’avais autrefois moi non plus pas d’autres choix que de prescrire des médicaments et des opérations, à cause du manque de connaissances à l’époque. Si j’avais disposé de ces informations, j’aurais immédiatement commencé un traitement qui aurait (espérons-le) libéré les patients de leurs douleurs d’arthrose. Tout comme vous, je dois aujourd’hui faire face aux effets secondaires de tous ces « traitements ».

Dans un article à paraitre, je reviendrai, sur base de l’état scientifique de la question, sur les causes de la dégradation due à l’arthrose.

Références

  1. Buckwalter JA, Mankin HJ, Grodzinsky AJ, ‘Articular cartilage and osteoarthritis’, Instr Course Lect, 2005, 54:465
  2. Pereira D, Peleteiro B, Araújo J et al., ‘The effect of osteoarthritis definition on prevalence and incidence estimates. A systematic review’, Osteoarthritis Cartilage, 2011, 19(11):1270
  3. Apkarian AV, Sosa Y, Sonty S et al., ‘Chronic back pain is associated with decreased prefrontal and thalamic gray matter density’, J Neurosci, 2004, 24:10410
  4. Hashmi JA, Baliki MN, Huang L et al., 'Shape shifting pain. Chronification of back pain shifts brain representation from nociceptive to emotional circuits’, Brain, 2013, 136:2751
  5. Ren W, Centeno MV, Berger S et al., ‘The indirect pathway of the nucleus accumbens shell amplifies neuropathic pain’, Nat Neurosci, 2016, 19:220
  6. Turk DC & Melzack R, ‘Handbook of pain assessment. Third Edition’, The Guilford Press, 2011
  7. Altman R, Brandt K, Hochberg M et al., ‘Design and conduct of clinical trials in patients with osteoarthritis. Recommendations from a task force of the Osteoarthritis Research Society. Results from a workshop’, Osteoarthritis Cartilage, 1996, 4:217
  8. Wieland HA, Michaelis M, Kirschbaum BJ et al., ‘Osteoarthritis. An untreatable disease?’ Nat Rev Drug Discov, 2005, 4:33
  9. Martin JA, Buckwalter JA, ‘Aging, articular cartilage chondrocyte senescence and osteoarthritis’, Biogerontology, 2002, 3:257
  10. Woolf AD and Pfleger B, ‘Burden of major musculoskeletal conditions’, Bull World Health Organ, 2003, 81:646
  11. Editorial in The Lancet, ‘Managing arthritis in the USA’, Lancet, 2017, 389:1076
  12. Nüesch E, Dieppe P, Reichenbach S et al., ’All cause and disease specific mortality in patients with knee or hip osteoarthritis. Population based cohort study’, BMJ, 2011, 342:d1165
  13. WHO, ‘Global status report on noncommunicable diseases 2014’, ISBN: 978 92 4 156485 4
  14. Vos Theo and collaborators, ‘Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 301 acute and chronic diseases and injuries in 188 countries, 1990-2013. A systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013’, Lancet, 2015, 386:743
  15. Murray CJL and collaborators, ‘Global, regional, and national under-5 mortality, adult mortality, age-specific mortality, and life expectancy, 1970-2016. A systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016, Lancet, 2017, 390:1084-1150
  16. Declerck Guy, ‘www.guy-declerck.com / spinal pathologies / Lumbar facet syndrome’

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