La maladie de Bechterew-Strümpell-Marie, ou (plus exactement) la Spondylite Ankylosante (SA)

Histoire classique

Vous avez entre 15 et 35 ans1, et sans raison apparente vous commencez à sentir, par moments irréguliers, des douleurs et surtout des raideurs dans le bas du dos2. Avec les années, vous sentez que cette sensation de raideur dans le dos s’aggrave et que ‘quelque chose’ attaque également certaines autres articulations. Puisque, somme toute, cela ne semble pas trop grave, vous prenez quelques médicaments et vous pratiquez un peu plus de sports3,4,5,6. Néanmoins, la raideur augmente et dans d’autres articulations également vous ressentez une limitation progressive de votre mobilité7,8. Chez certains, les douleurs se présentent également dans les pieds : des épines calcanéennes se développent. Il est possible que le diagnostic ne peut être posé qu’après quelques années9,10.

La raideur s’aggrave à tel point que vous éprouvez de la peine à regarder droit devant vous. C’est parce que la courbe normale dans le bas du dos (lordose lombaire), mais également dans la nuque (lordose cervicale), diminue graduellement et peut même s’effacer (lordose inversée), ce qui peut également faire augmenter la bosse normale sur les vertèbres thoraciques (hypercyphose thoracique) (Fig. 1). Votre capacité d’assumer une pose normale debout ou assise a quasi disparu.

Dans le pire des cas, cette position du corps penché occasionne, en plus, des coincements de nerfs dans le dos, qui peuvent provoquer des douleurs dans les bras et les jambes. A mesure que la raideur, mais aussi l’âge progressent, vos muscles dorsaux s’affaiblissent, ce qui favorise le développement d’ostéoporose et par conséquent des fractures plus fréquentes des vertèbres.

Des plaintes associées dues aux problèmes cardiaques et / ou pulmonaires ne sont pas inhabituelles. Parce qu’également votre vision s’empire, vous consultez un ophtalmologue. Souvent, c’est lui le premier à faire le diagnostic correct parce que vous avez l’iris enflammé.

Bechterew
Fig. 1. Exemple typique d’une position corporelle raide et penchée, occasionnée par une maladie nommée actuellement ‘spondylite ankylosante’.

Le terme ‘maladie de Bechterew’ est généralement accepté.

Certaines anomalies ont été décrites presque simultanément à la fin du 19e siècle par Vladimir Bechterew en Russie (1893), Adolf von Strümpell en Allemagne (1987) et Pierre Marie en France (1898). Comme l’Organisation Mondiale de la Santé a décidé le 8 mai 2015 qu’il fallait plus de conformité quant à la signification exacte des termes médicaux, on utilise actuellement, à travers le monde entier, plutôt le terme ‘spondylite ankylosante’ (SA) au lieu de ‘maladie de Bechterew - Strümpell - Marie’ pour dénommer l’ensemble des plaintes que nous venons d’indiquer. La spondylite ankylosante est à discerner de la ‘spondylose ankylosante’ (maladie de Forestier ou DISH) dont nous parlerons plus tard.

Que signifie ‘spondylite ankylosante’ ?

Pour indiquer des inflammations d’un organe quelconque, on utilise le suffixe ‘-ite’ (-itis). ‘Spondylos’ est le mot grec pour vertèbre. Le mot grec pour ‘raidissement’, ‘engourdissement’ est ‘ankylos’. Donc par ‘spondylite ankylosante’ on entend une inflammation (douloureuse) raidissante au niveau des vertèbres. A cause des processus inflammatoires chroniques (et donc incurables), les ligaments et les tendons musculaires vont progressivement se calcifier et s’ossifier.

Causes de la spondylite ankylosante

La cause n’a jusqu’à présent pas été découverte. Comme dans le cas de nombreuses autres pathologies, ici aussi il s’agirait d’une anomalie dans le code génétique ADN. A cause d’un gène anormal (le gène récepteur IL-23), le système immunitaire ne fonctionne plus de manière optimale, ce qui donne lieu à des inflammations11,12. Dans les analyses de sang des patients souffrant de spondylite ankylosante, on retrouve effectivement plusieurs facteurs inflammatoires.

Incidence mondiale

Actuellement, on estime que 0,2 % à 0,5 % de la population mondiale sont atteints de cette maladie. La spondylite ankylosante touche donc 160 à 400 millions de personnes. Cette pathologie se rencontrerait plus souvent chez les hommes que chez les femmes1,13.

La complexité des données concernant le HLA-B27

Le HLA-B27 (l’antigène leucocytaire humain) concerne un ensemble de données bien complexes. Le fait que le HLA-B27 est présent dans le sang ne signifie pas nécessairement qu’on est (ou qu’on sera) atteint de la spondylite ankylosante. La spondylite ankylosante se développe chez seulement 5 % de toutes les personnes chez qui le HLA-B27 a été diagnostiqué. D’autre part, nous constatons que 90 % des patients souffrant de spondylite ankylosante sont porteurs de l’antigène HLA-B27. C’est une donnée importante parce qu’on soupçonne que le HLA-B27 est responsable de l’activation d’un puissant facteur inflammatoire, notamment la cytokine interleucine 2314. Il est tout à fait possible que ce facteur inflammatoire est l’élément principal dans le développement des inflammations de la spondylite ankylosante.

Images radiologiques d’une colonne vertébrale inférieure et d’un bassin

En phase initiale, la spondylite ankylosante attaque surtout les ligaments dans le bas du dos et au niveau des deux grandes articulations du bassins15 (Figures 2 et 3).

bechterew
Fig. 2. Images radiologiques du bassin. On voit les condensations typiques osseuses dans certaines parties des os iliaques (flèches sur l’image gauche). Sur l’image radiologique droite on remarque les calcifications et ossifications des deux articulations sacro-iliaques (flèches gauches), dans les ligaments interspinaux (flèches sur la ligne médiane) et dans les ligaments iliolombaires (flèche droite en haut).

bechterew
Fig. 3. Images radiologiques d’une spondylite ankylosante au niveau du bas dos. L’image gauche (rouge) montre les ponts osseux (syndesmophytes) qui occasionnent un raidissement (= ankylose). Sur l’image ‘bleue’, on remarque le phénomène ‘triple rail’, formé par les calcifications dans trois ligaments. Sur l’image radiologique ‘gauche’, on voit comment la structure antérieure normale disparaît, ce qui donne un aspect encore plus rectangulaire à la vertèbre. Sur l’image droite (noire), l’ossification des vertèbres inférieures dans le bas du dos ressemble à une canne de bambou, d’où le nom ‘bamboo spine’.

Image radiologique d’une épine calcanéenne

Ci-dessous (Fig. 4), vous voyez la zone du talon dans laquelle les ligaments et les tendons se calcifient pour former une épine calcanéenne.

bechterew
Fig. 4. Image radiologique d’une épine calcanéenne

Traitement

Le question demeure pourquoi la gamme entière des médicaments anti-inflammatoires est incapable de supprimer la raideur gênante qui ne cesse d’évoluer. Ils n’ont pas le moindre impact sur cette évolution. Les médicaments qui bloquent le facteur inflammatoire important TNF-α (facteur de nécrose tumorale α), n’aident que temporairement chez environ 60 % des patients SA16. On espère pouvoir proposer une solution lorsqu’à l’avenir le facteur inflammatoire ‘interleukine 23’ pourra être neutralisé11.

Pour supprimer la douleur et pour sauvegarder le plus longtemps possible la capacité motrice des articulations atteintes, on propose divers exercices de physiothérapie, ainsi que des traitements biophysiques comme p. ex. la thérapie par Andullation. Cependant, ‘bouger fréquemment’ n’arrêtera pas l’évolution progressive du raidissement des ligaments et des tendons. Le but à l’avenir consistera alors à permettre au patient de subir ces raidissements dans une pose aussi confortable que possible.

Une articulation coxo-fémorale peut être remplacée par une prothèse de la hanche. Lorsqu’un patient souffrant de la spondylite ankylosante n’est plus capable de regarder droit devant lui parce que son dos est trop courbé, on peut tailler un morceau d’os cunéiforme de la colonne vertébrale (ostéotomie) et fixer la courbe corrigée par les plaques et des vis. Cela requiert cependant une énorme expertise du chirurgien!

E-book gratuit à télécharger: ‘Exercices pour soulager les douleurs chroniques’

73% des patients souffrant de douleurs chroniques ne sont plus capables de faire ce que les gens en bonne santé font avec la plus grande facilité : marcher, faire du vélo, jouer avec leurs enfants, etc. A part les traitements médicaux, l'exercice physique peut également être très utile pour préserver ou améliorer votre mobilité. Cet e-book veut vous familiariser avec quelques exercices physiques simples qui peuvent diminuer votre douleur.

Téléchargez

Références

Moll JMH, ‘Ankylosing spondylitis’,
Edinburgh, Churchill Livingstone, 1980
Sieper J, Braun J, Rudwaleit M et al., ‘Ankylosing spondylitis. An overview’,
Ann Rheum Dis, 2002, 61(Suppl 3):iii8
Herkowitz HN, Dvorak J, Bell G, Nordin M, Grab D, ‘The lumbar spine. Chapter on ankylosing spondylitis’,
Lippincott Williams & Wilkins, Philadelphia, 2004:712
Zochling J, Braun J, van der Heijde D, ‘Assessments in ankylosing spondylitis’,
Best Pract Res Clin Rheumatol, 2006, 20:521
McGonagle D, Gibbon W, Emery P, ‘Classification of inflammatory arthritis by enthesitis’,
Lancet, 1998, 352:1137
Rudwaleit M, Metter A, Listing J et al., ‘Inflammatory back pain in ankylosing spondylitis. A reassessment of the clinical history for application as classification and diagnostic criteria’,
Arthritis Rheum, 2006, 54:569
Baeten D, Baraliakos X, Braun J et al., 'Anti-interleukin-17A monoclonal antibody secukinumab in treatment of
ankylosing spondylitis. A randomised, double-blind, placebo-controlled trial’,
Lancet, 2013, 382:1705
Haroon N, Inman RD, Larch TJ et al., ‘The impact of tumor necrosis factor α inhibitors on radiographic progression in ankylosing spondylitis’,
Arthritis Rheum, 2013, 65:2645
Dougados M, Baeten D, ‘Spondyloarthritis’,
Lancet, 2011, 377:2127
10  Bowness P, Ridley A, Shaw J et al., ‘Th17 cells expressing KIR3DL2+ and responsive to HLA-B27 homodimers are
increased in ankylosing spondylitis’,
J Immunol, 2011, 186:2672
11 Sieper J, Developments in therapies for spondyloarthritis’,
Nat Rev Rheum, 2012, 8:280

Réactions