Cyphose des adolescents, nommée également ‘Maladie de Scheuermann’

Histoire classique

Tu es un adolescent (ou une adolescente) âgé(e) entre 12 et 17 ans. Sans raison apparente, tu es parfois embêté(e) par des maux de dos. Au premier abord, cela ne semble pas vraiment grave. Cependant, tes parents, qui, eux aussi souffrent souvent de douleurs dorsales, ne cessent de répéter que « tu dois tenir ton dos plus droit ». A l’école aussi, ton prof de gymnastique t’incite à faire plus d’exercices afin d’assouplir ton dos. Et si tu es suffisamment obéissant(e), tu commences aussi à faire régulièrement des sports.

Malheureusement, tout cela, ce ne sont que de belles paroles et de bonnes intentions. Devant le miroir, tu t’aperçois qu’effectivement ton dos n’est pas tout à fait ‘droit’, que ton torse s’incline un peu trop en avant et qu’entre tes omoplates tu développes une ‘bosse’ (Fig. 1) que tu ne réussis pas à corriger. Lorsque tu te penches, la courbure de ton dos s’accentue encore plus et tu constates qu’elle ne disparaît pas lorsque tu te penches en arrière.

Il est bien probable que tu es en train de développer une bosse fixée. Il s’agit d’une anomalie qui a été décrite pour la première fois en 1920 par le médecin danois Scheuermann et qui a reçu la dénomination médicale ‘cyphose adolescent’.

Maladie de Scheuermann
Figure 1. Bosse de Scheuermann. Exemple typique d’un dos rond à cause d’une bosse fixée qui se développe durant la jeunesse.

Qu’est-ce une cyphose des adolescents ?

Dans la cyphose des adolescents, il s’agit du dos rond qui se développe pendant les années d’adolescence. Il se développe une anomalie axiale penchée irréversible.

Quelle est l’origine du ‘dos rond’ ?

Le ‘dos rond’ se développe suite à une anomalie dans la construction des piliers de support (les trabécules) du tissu osseux à la face antérieure d’au moins trois vertèbres consécutives.
Un petit rappel, extrait du blog sur le corps vertébral. Lors d’une croissance normale de la vertèbre (cf. blog ‘Le Corps Vertébral’), le tissu osseux spongieux à l’intérieur des corps vertébraux est construit de piliers de support bien solides. Ces structures solides se composent principalement de protéines collagènes dans lesquelles et autour desquelles s’est formée une couche de chaux (cristaux hydroxyapatites). Grâce à cela, les vertèbres peuvent résister à environ 90 % de toutes les forces de pression sur le corps, et ce sans se casser !

Le dos rond se développe parce qu’à divers endroits de la face antérieure des vertèbres trop peu de fibres collagènes fortes sont présentes, ou même absentes. Les trabécules osseuses sont d’une qualité de soutien tellement inférieure qu’elles s’affaissent. Cela n’a donc aucun sens d’avaler de grosses quantités de ‘chaux’ !

Une construction composée de ce genre de trabécules faibles, dont la fonction consiste à compenser les forces d’appui verticales durant la croissance, est comparable au soutien d’une couche de béton offert par des planches de triplex plutôt que par des piliers en acier1. La résistance offerte n’est tout simplement pas suffisante. Les vertèbres s’affaissent et obtiennent un aspect cunéiforme (Fig 2 et 4).

Quelle est la cause pour laquelle le dos rond se développe?

Le dos rond, nommé aussi bosse, est une anomalie génétique. Cette formation d’une bosse se présente souvent chez les membres d’une même famille. Le dos rond est dû à des informations erronées dans le matériel génétique (l’ADN). Par conséquent, dans la partie antérieure de quelques vertèbres la formation de fibres collagènes est insuffisante ou même totalement absente. A ces endroits, il n’y a pas moyen alors d’intégrer suffisamment de chaux.

Quelles sont les caractéristiques d’une cyphose des adolescents?

Les caractéristiques typiques qui font conclure que les douleurs dorsales trouvent leur origine dans une cyphose des adolescents (en évolution), ne sont nullement des anomalies au niveau des disques intervertébraux (nommées ‘nodules de Schmorl’), mais au contraire les hauteurs antérieures diminuées d’au moins trois vertèbres contiguës. La diminution doit être au moins de 5° (Fig 2).

Maladie de Scheuermann
Figure 2. A gauche : colonne vertébrale thoracique T7-T11. Au niveau des vertèbres T7 et T8, on remarque l’aplatissement de la face antérieure, ce qui donne aux vertèbres un aspect cunéiforme (X89-219, M 20 ans). A droite : colonne vertébrale thoracique T7-T12 qui présente à au moins 3 niveaux les aplatissements vertébraux typiques (X90-735, M 38 ans). Les nodules de Schmorl (cercles rouges) sont également visibles. Ils ne sont nullement typiques pour le diagnostic ‘cyphose des adolescents’ puisqu’ils se présentent chez tout le monde et pour toutes les pathologies (Declerck / Kakulas, Neuropathology, Perth, Western Australia).

Le nodule de Schmorl n’implique pas nécessairement le diagnostic ‘cyphose des adolescents’.

Des interruptions irrégulières sur la face supérieure et / ou inférieure des corps vertébraux (notamment les plaques cartilagineuses) se présentent chez 99 % de toutes les personnes, mais ne sont pas toujours visibles sur les images radiologiques2,3.
A travers ces ‘ouvertures’, des quantités variées de tissu discal peuvent s’introduire dans les vertèbres4. Cette migration verticale se nomme ‘hernie discale intravertébrale’ (Fig 3). Lorsqu’autour de ce tissu discal s’est formée une capsule osseuse, on parle de ‘nodule de Schmorl’. Ce nodule peut alors devenir bien visible sur des images radiographiques normales.

Les nodules de Schmorl ne sont jamais caractéristiques pour une pathologie quelconque (Fig 3) et donc non plus pour une cyphose des adolescents5. Les nodules de Schmorl se présentent chez tout un chacun, à n’importe quel âge, chez des personnes qui n’ont jamais eu des problèmes de dos, mais aussi lors de toutes les affections du dos2,6.

Un nodule de Schmorl peut, plus tôt que normalement, occasionner un syndrome dégénératif discogène2,3,7,8,9 parce qu’il favorise le développement des phénomènes dégénératifs dans le disque intervertébral10.

Maladie de Scheuermann
Figure 3. A gauche (A90/148): migration bien visible de tissu discal central à travers une rupture dans la plaque supérieure d’une vertèbre thoracique (flèche), atteinte d’un phénomène métastatique (cancer). A droite (X89-219): image histologique d’un nodule de Schmorl à travers une plaque inférieure (a) et une hernie discale intravertébrale à travers une plaque supérieure (b) (Declerck / Taylor / Kakulas, Neuropathology, Perth, Western Australia).

Cyphose des adolescents au niveau de la cage thoracique

La cyphose se localise généralement entre la cinquième et onzième vertèbre thoracique (Figures 1 et 2). Parce que ces jeunes adolescents sont en moyenne de taille beaucoup plus longue que d’autres jeunes du même âge, leur bosse est bien visible.
Pour pouvoir rester debout et marcher, ils développent également un creux plus prononcé au niveau du bas du dos (hyperlordose lombaire). Et un sur trois présente aussi une forme légère de scoliose. Presque tous présenteront toute leur vie durant des muscles dorsaux, ‘hamstrings’ et muscles flexeurs de la jambe tendus (et douloureux).

La cyphose adolescent au niveau du bas du dos

Le développement d’une cyphose fixée dans le bas du dos se rencontre presqu’exclusivement chez des jeunes personnes musclées et athlétiques11. Leurs vertèbres, localisées entre la onzième vertèbre thoracique et la quatrième vertèbre du bas du dos (T11-L4) s’aplatissent à la face antérieure parce que ces jeunes, dès un âge très juvénile, s’entraînent très intensément et pratiquent le sport, ou parce qu’ils doivent fournir des efforts physiques très durs.
Ils développent des douleurs dorsales intenses parce que leurs disques intervertébraux s’usent plus vite que normalement. En conséquence de ceci et de leur lordose aplatie, ils souffriront des douleurs dorsales pour le reste de leur vie.

Images radiographiques

Au niveau de minimalement trois vertèbres contiguës, il faut pouvoir mesurer à la face antérieure un aplatissement typique d’au moins 5 degrés. Puisque, par ce fait, la face antérieure de la vertèbre est moins haute que celle postérieure, les vertèbres n’ont plus la forme d’un rectangle, mais d’un trapèze (Figures 2 et 4). Bien évidemment, l’angle de la cyphose normale formée entre les vertèbres supérieures et inférieures (+/- 30-35°) augmentera également.

Scheuermann
Figure 4. Représentation graphique de ce qui arrive à une vertèbre lorsqu’une cyphose des adolescents se développe. Normalement, une vertèbre forme un rectangle (bleu).
La cyphose des adolescents se forme suite à un aplatissement de la face antérieure d’au moins 5°. Par ce fait, la vertèbre assume la forme d’un trapèze (rouge). Le diamètre postéro-antérieur augmente (flèche blanche) et la face antérieure de la vertèbre devient plus épaisse (bord rouge).

Dans le cas d’une cyphose adolescente thoracique, le diamètre central antéropostérieur de la vertèbre atteinte est toujours plus grand que normalement. Les vertèbres ont l’air d’être étirées. La partie antérieure osseuse de ces vertèbres généralement montre un épaississement. C’est évident, puisque la nature renforce les os lorsque ceux-ci sont chargés davantage12.

Au niveau des surfaces tant supérieures qu’inférieures de toutes les vertèbres, on constate chez tout le monde et pour toutes les pathologies dorsales très fréquemment des irrégularités. Mais il n’est pas vrai du tout que la présence d’un module de Schmorl signifie automatiquement qu’on est atteint de la ‘maladie de Scheuermann’. Par contre, pour les deux formes il y a une différence quant à l’endroit où les nodules se localisent : dans le cas du type thoracique de la maladie de Scheuermann, les nodules occupent une place centrale sur la plaque vertébrale et dans le cas d’une cyphose lombaire ils se localisent uniquement sur le devant.

Traitements possibles

Il importe surtout d’alléger les charges du dos.
Des exercices physiothérapeutiques pour renforcer les muscles du tronc peuvent fortement contribuer à alléger les douleurs. Mais ils n’ont aucune influence sur la déviation axiale cyphotique ‘fixée’.
Il importe de maintenir la mobilité des autres parties non-fixées de la colonne vertébrale. La meilleure façon d’y arriver, c’est de rester physiquement actif et de pratiquer ses sports favoris. C’est donc un choix personnel.
La prise régulière d’antidouleurs est prescrite, ce qui n’est pas sans effets secondaires. Massage, chiropraxie et toutes sortes de traitements biophysiques comme p. ex. l’Andullation aideront à surmonter les périodes douloureuses.

Aucun traitement non-chirurgical ne peut corriger la déviation axiale fixée. La chirurgie est proposée dans des cas extrêmement rares. Dans ce cas, on pratique une ostéotomie. La courbe corrigée de la colonne vertébrale est fixée par moyen de plaques et de vis.

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Références

Sorenson KH, ‘Scheuermann’s Juvenile Kyphosis’,
1964, Ejnar Munksgaard, Copenhagen
Pfirrmann CW, Resnick D, ‘Schmorl nodes of the thoracic and lumbar spine. Radiographic–pathologic study of
prevalence, characterization, and correlation with degenerative changes of 1,650 spinal levels in 100 cadavers’,
Radiol, 2001, 219:368
Hamanishi C, Kawabata T, Yosii T et al., ‘Schmorl's nodes on magnetic resonance imaging. Their incidence and clinical relevance’,
Spine, 1994, 19:450
Schmorl G, Junghanns H, ‘The human spine in health and disease’,
1971, 2nd edn, Grune and Stratton, New York
McFadden KD, Taylor JR, ‘End-plate lesions of the lumbar spine’,
Spine, 1989, 14:867
Hilton RC, Ball J, Benn RT, ‘Vertebral end-plate lesions (Schmorl’s nodes) in the dorso-lumbar spine’,
Ann Rheum Dis, 1976, 35:127
Declerck Guy, ’www.guy-declerck.com / Degenerative discogenic syndrome’
Mok FP, Samartzis D, Karppinen J et al., ‘ISSLS prize winner. Prevalence, determinants, and association of Schmorl nodes of the lumbar spine with disc degeneration. A population-based study of 2449 individuals’,
Spine, 2010, 35:1944
Williams FM, Manek NJ, Sambrook PN et al., ‘Schmorl's nodes. Common, highly heritable, and related to lumbar disc disease’,
Arthritis Rheum, 2007, 57:855
10  Vernon-Roberts B, Pirie CJ, ‘Degenerative changes in the intervertebral discs and their sequelae’,
Rheum Rehab, 1977,16:13
11  Swärd L, Hellstrom M, Jacobsson B et al., ‘Back pain and radiologic changes in the thoraco-lumbar spine of athletes’,
Spine, 1990, 15:124
12  Wolff J, ‘Das Gesetz der Transformation der Knochen‘,
1892, Hirschwald, Berlin