L’impuissance de la médecine devant les pathologies chroniques

Contenu

  • Commentaire significatif
  • C’est le ADN qui décide
  • La population mondiale vieillit incroyablement vite
  • Le progrès médical contribue au processus de vieillissement
  • Maladie et pluralité des gènes
  • Que faire en cas de douleurs ?
  • Pathologies chroniques mortelles, comme les maladies cardiaques
  • Pathologies chroniques non-mortelles : p. ex. les douleurs dans le bas du dos
  • Industries médicales
  • Références

Commentaire significatif

Avant de mourir, ma maman m’a posé la question pourquoi son corps a dû dépérir pendant si longtemps et pourquoi moi, bien que médecin, j’étais incapable de l’aider. « Ce n’est pas sérieux ! », disait-elle, « Pourquoi Dieu n’est-il pas venu me chercher plus tôt, lorsque le temps était venu ? » A un certain moment, elle prenait 12 médicaments différents pour presqu’autant de maladies chroniques. Cela soulageait quelque peu ses douleurs. Son généraliste était d’avis que pour son âge ‘elle ne se débrouillait pas mal’. A un certain moment, elle avait marre d’être un robot avalant constamment des pilules, et elle a décidé de d’arrêter toute prise de médication pendant une période de trois mois.

En tant que médecin ayant bénéficié d’une formation classique et en tant que spécialiste ayant étudié dans divers pays, j’ai suivi de très près son ‘expérience’. J’étais convaincu que sa situation se détériorerait bien rapidement. Ses douleurs se sont ravivées de plus belle, mais elle trouvait que ce n’était pas grave. Quant à moi, j’étais étonné. Voilà que l’histoire de ma maman n’est pas unique. Partout où je suis venu dans le monde, j’ai connu des situations semblables. Jamais, ni moi ni mes collègues, nous n’avons pu éliminer les causes sous-jacentes des maladies chroniques.

C’est le ADN qui décide

Je présume que la plupart des gens aimerait rester en bonne santé le plus longtemps possible, et de préférence dans un corps intact. Cependant, notre matériel génétique, notre ADN, en décide autrement. Tout ce que notre ADN veut, c’est de se propager le plus vite possible et dans un état parfait, pour ensuite se désintéresser complètement de notre état corporel. L’ADN n’a prévu rien qui puisse éviter le dépérissement du corps. Au contraire, par des réactions chimiques compliquées (comme la méthylation ou les mutations), l’ADN modifie bon nombre d’éléments (les gènes).

Par conséquent, les cellules de tous nos organes vieillissent (sénescence), dépérissent (apoptose), ou meurent (nécrose). Par ce fait, l’ADN détruit ses propres systèmes d’entretien et de réparation. Les informations génétiques modifiées font que dans les diverses parties du corps des phénomènes de vieillissement et des maladies se manifesteront si la personne vit plus longtemps que normalement. Tout cela fait que la plupart d’entre nous sera, tôt ou tard, confrontée aux limitations qu’engendrent des maladies physiques ou mentales dégénératives. Vieillir est souvent un calvaire.

La population mondiale vieillit incroyablement vite

Si le fait qu’actuellement on vit plus longtemps que prévu par notre matériel génétique, est une bonne chose, je l’ignore. L’avenir nous le dira au moment que nous serons confrontés aux conséquences familiales, sociales, économiques, médicales, financières etc. du vieillissement. Je ne peux, ni ne veux porter jugement sur cette question, car les expériences que j’ai eues dans diverses parties du monde au niveau philosophique et religieux sont trop contradictoires. Mais indéniablement la population mondiale vieillit de manière incroyablement rapide.

Les causes sont dues, je présume, au fait d’avoir un système d’égouts plus fonctionnel, de l’eau plus propre, de la nourriture plus saine et des périodes de paix plus longues. Les pays dits ‘à hauts revenus’ ont fait les meilleurs progrès. La question demeure toutefois si leurs infrastructures et économies tiendront debout dans le climat actuel instable de la troisième révolution industrielle25. Puisque les processus de vieillissement suite aux pathologies chroniques inhérentes à l’âge avancé ne peuvent pas être arrêtés, nos sociétés modernes dépensent des milliards d’euros et de dollars pour pouvoir contrôler ces processus d’usure1. Et maintenant déjà les frais personnels liés au processus de vieillissement sont exorbitants.

Le progrès médical contribue au processus de vieillissement

Le progrès de la médicine fait également augmenter le nombre de problèmes de vieillesse. Il y a quelques décennies encore, les gens mouraient à un âge beaucoup plus jeune. Grâce aux antibiotiques et aux vaccinations, de nombreuses maladies infectieuses ont été diminuées ou mêmes éradiquées (p. ex. des infections). La conséquence en est qu’actuellement nous avons abouti à une situation unique où l’être humain, avant de quitter cette terre, souffrira, durant des périodes plus longues, de maladies chroniques non-infectieuses et de handicaps devant lesquels la médecine se trouve impuissante (p. ex. des pathologies cardiaques, arthrose, dépression, diabète, cancer). Cette évolution s’effectue à un rythme tellement rapide que nos systèmes de santé ne semblent pas être préparés à y faire face.

Maladie et pluralité des gènes

Lentement mais indéniablement, il s’avère que les pathologies et leurs symptômes ne sont pas la conséquence d’une seule anomalie bien définie d’un seul organe. Les maladies de vieillesse ne sont pas occasionnées par un seul gène mutant, mais de plus en plus souvent par plusieurs spécimens. Des exemples typiques sont des maladies chroniques mortelles comme l’infarctus cardiaque, l’asthme, le cancer et le diabète.

Des pathologies non-mortelles également, telles les douleurs dans le bas du dos, les céphalées, l’arthrose, la dépression ont une origine pluri-génétique. La vieillesse donne lieu à de nouveaux types de maladies que la médecine n’est pas encore parvenu à éclaircir. Tant les généralistes que les spécialistes sont progressivement (jusqu’à environ 65 %) confrontés à des douleurs et des symptômes dont le rapport réciproque n’est pas clair2. À mon avis, cela peut provoquer la frustration aussi bien de la part du patient que du soignant.

Les systèmes de santé actuels sont complètement désorientés suite au grand nombre de tests, diagnostics et traitements. On mise sur les ‘nouveaux’ symptômes. Le ‘surdiagnostic’ et le ‘surtraitement’ ne sont pas des phénomènes de civilisation anodins. Les soins de santé qui jadis ont été créés au profit des personnes malades, s’adressent de plus en plus actuellement aux personnes en bonne santé3,4,5. On veut faire subir aux personnes en bonne santé toute une série de scans à titre préventif. Le repérage fortuit de maladies de vieillesse doit leur faire croire qu’elles ne sont plus en bonne santé. Il faut qu’elles s’inquiètent de ces anomalies découvertes par hasard, mais en réalité totalement anodines, pour qu’elles aient recours à la médication (inutile d’ailleurs) et aux interventions chirurgicales. Cela s’appelle ‘l’effet médical de cascade dû à la iatrogenèse’6. Il n’y a que les sociétés pharmaceutiques qui en profitent...

pathologies chroniques

Que faire en cas de douleurs ?

Mais que faites-vous lorsque suite à une pathologie chronique mortelle ou non-mortelle vous continuez à éprouver des gênes et des douleurs ? Que faites-vous lorsque tous les remèdes médicaux et kinésithérapeutiques sont épuisés pour traiter une pathologie diagnostiquée par les instruments les plus modernes ? Que faire si néanmoins vous souhaitez maintenir votre qualité de vie7?

Pathologies chroniques mortelles, comme les maladies cardiaques

Les problèmes cardiaques chroniques sont parmi les plus fréquents à travers le monde. Ces affections mortelles sont les plus nocives pour la santé et la qualité de vie des personnes, et particulièrement à partir de 65 ans8,9,10,11,12. Après toute une série d’examens du cœur, on fait bien sûr un diagnostic, mais on trouve rarement la véritable cause du problème. Les médications actuellement disponibles (bêta-bloquants, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, antagonistes du récepteur minéralo-corticoïde, statines, anticoagulants) peuvent certes supprimer les douleurs symptomatiques, mais n’enlèvent nullement la cause sous-jacente de la maladie ou ne la guérissent pas définitivement.

Elles parviennent probablement à freiner quelque peu son évolution, mais finalement tous les patients cardiaques développent la conséquence de cette cause inconnue : l’insuffisance cardiaque13,14. Les traitements cardiaques actuels permettent donc de faire fonctionner le cœur à un rythme (trop) élevé, mais cela engendre inévitablement une perte ultérieure de cellules cardiaques (cardiomyocytes).

Il est à espérer que la recherche actuelle intense mènera dans une dizaine d’années au développement de thérapies cellulaires innovatrices utilisant les cellules souches, les cellules de moelle osseuse, les cellules adipeuses ou les cellules cardiaques du patient même15,16,17,18. Dans ce cas, les opérations du cœur seront probablement moins nécessaires à moins que la ‘pompe du cœur’ ne proteste trop.

Mais apparemment on chipote à nouveau avec les résultats des expériences concernant les cellules souches. Habituellement, les industries pharmaceutiques se jettent sur les résultats provisoires, nullement revérifiés et parfois trompeurs, comme s’il s’agissait d’un miracle. On développe des médicaments et des techniques inefficaces pour satisfaire au battage publicitaire, tout en honorant le principe de base ‘on ne risque rien à essayer’. Par contre, des analyses effectuées par des chercheurs sérieux ont fait conclure que les thérapies de cellules souches vérifiées demeurent toujours très discutables19.

La genèse des pathologies chroniques mortelles telles les maladies de cœur, mais aussi l’asthme, le cancer et le diabète, demeure toujours ‘a riddle, wrapped in a mystery, inside an enigma’ (pour paraphraser Churchill, 1939). Le mécanisme par lequel le nombre de cellules cardiaques qui meurent (apoptose et nécrose) est supérieur à celui des cellules se régénérant spontanément, n’a toujours pas été élucidé. Les mécanismes qui détraquent les cellules demeurent complètement inconnus. Les milliers de processus métaboles causant le vieillissent ne sont nullement connus non plus. Il reste donc beaucoup à faire.

Pathologies chroniques non-mortelles : p.ex. douleurs du bas du dos

Les douleurs chroniques dues à la dégénération du disque intervertébral constituent la pathologie non-mortelle la plus fréquente dans le monde entier8. D’autres affections chroniques fréquentes ne menant pas à la mort sont p. ex. les céphalées, l’arthrose et la dépression. Quatre-vingts pour-cent de la population mondiale est confronté tôt ou tard à ce type de maux dans le bas dos. Aux États-Unis, les douleurs dans le bas du dos coûtaient en 1991 quelque 100 milliards de dollars et quelque 200 milliards en 2005. Même dans un petit pays comme le nôtre, le coût des douleurs chroniques dans le bas du dos est phénoménalement élevé. En 2006, la Mutualité Socialiste a chiffré les frais médicaux annuels du patient souffrant du bas du dos à 922 euros par ans. On estime que le coût global de notre société se situe entre 20 millions et 1,6 milliards d’euros20. En fait, il n’existe aucun traitement efficace capable d’enlever la cause des maux du bas du dos. Ce n’est pas étonnant puisque cette cause est inconnue.

La quantité d’antidouleurs et d’anti-inflammatoires disponible est gigantesque. Cependant, il n’existe aucune ‘pilule’ qui n’a pas d’effets secondaires après l’avoir avalée pendant un an. Souvent ces effets secondaires sont pires que les douleurs chroniques dans le bas du dos mêmes. En plus, puisque les antidouleurs du type effervescent contiennent beaucoup de sel pour mieux se dissoudre dans l’eau, le risque d’hémorragie cérébrale augmente. Malheureusement, jusqu’à présent des traitements biologiques pour neutraliser les maux dans le bas du dos d’origine discale n’ont pas (encore) été développés.

Industries médicales

Les industries médicales font des bénéfices énormes en prétendant que pour n’importe quelle problème médical ils disposent d’une ‘pilule’. Pour autant que je sache, ils n’ont jusqu’à présent pas réussi à découvrir un médicament qui est en mesure d’enlever entièrement et définitivement la cause des maladies chroniques (mortelles ou non). En outre, pour de nombreuses maladies chroniques on prescrit exactement la même médication que pour les pathologies aigues.

Pour supprimer les nombreuses douleurs dues aux diverses maladies chroniques dont nous souffrons (ou souffrirons), il n’existe aucune autre option que de continuer à avaler les ‘pilules’ disponibles, d’attendre jusqu’à ce que leurs effets secondaires surgissent, lesquels on pourra alors combattre avec d’autres ‘pilules’. Il reste beaucoup de recherche à faire. Mais ce n’est pas la faute des médecins. Tout ce qu’ils peuvent (et veulent) faire, c’est de prescrire ce que les sociétés pharmaceutiques leur proposent. Comme les expériences négatives avec les remèdes médicinaux classiques ne font qu’augmenter, une confiance quasi aveugle s’installe progressivement dans les méthodes quasi-conventionnelles ou non-conventionnelles.

Un retour aux médicaments ‘naturels’ peut être intéressant. Bien sûr, on recherche d’autres remèdes antalgiques. Devinez où... P. ex. dans les cactus : il s’agit notamment du molécule, nommé ‘résinifératoxine’22. Ou encore dansla salive des serpents : un petit peptide de 46 d’acides aminés23,24. Est-ce que ces remèdes ont une valeur thérapeutique ? Ont-ils un intérêt financier ? Bien sûr ! Sur la base de salive venimeuse, on a fabriqué de l’exenatide, un médicament naturel prescrit partout dans le monde pour traiter le diabète du type 2. D’ailleurs, pour contrôler cette maladie il suffit souvent d’une bonne autodiscipline : augmenter son activité physique et adapter son régime alimentaire. C’est simple comme bonjour. Par contre, puisque la majorité des gens éprouve bien des difficultés à modifier son style de vie, ce médicament naturel est devenu un business de milliardaire.

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Les dernières décennies, la médecine moderne a pris son envol et fait preuve d’incroyables exploits. En dépit des pathologies chroniques auxquelles, tôt ou tard, tout un chacun sera confronté, les gens vieillissent de plus en plus. Mais peut-on réellement parler de guérison ? Et qu’en est-il de la qualité de vie ?

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Références

1 Joos Karel, ‘De farma en haar negatief imago’,
De Standaard, Opinie en Analyse, 19 november 2013
2 Schwartz ES, ‘Metaphors and medically unexplained symptoms. The art of medicine’,
Lancet, 2015, 386:734
3 www.preventingoverdiagnosis.net
4 Heath Iona, ‘Role of fear in overdiagnosis and overtreatment. An essay by Iona Heath’,
BMJ, 2014, 349:g6123
5 Heath Iona, ‘Overdiagnosis and the individual patient’,
2014 via youtube
6 Welch HG, ‘Less medicine, more health: 7 Assumptions that drive too much medical care’,
Beacon Press, 2015
7 Dekeyser AS, Plets G, Lauwers D, ’Wat als meneer doktoor het ook niet meer weet’,
De Standaard, Weekblad, Zaterdag 22 februari, 2014, nr. 131:15
8 Vos T et al., ‘Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 301
acute and chronic diseases and injuries in 188 countries, 1990-2013. A systematic analysis for the Global
Burden of Disease Study 2013’,
Lancet, 2015, 386:743-800
9 N General Assembly WHO, ‘Political declaration of the High-level Meeting of the General Assembly on the Prevention and Control of Non-communicable Diseases’,
2011. http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/66/L.1
10 WHO, ‘Global status report on noncommunicable diseases’, 2014 - ISBN: 978 92 4 156485 4
11 Bonow RO, Mann DL, Zipes DP, Libby P, ‘Braunwald's Heart Disease. A Textbook of Cardiovascular Medicine, Single Volume’,
Saunders, 2012, 9th Edition, 2012
12 Roger Vl, GoAS, Lloyd-Jones DM et al., ‘American Heart Association Statistics Committee and Stroke Statistics. Subcommittee’,
Circulation, 2012, 125:e2
13 Bhatia RS, Tu JV, Lee DS et al., ‘Outcome of heart failure with preserved ejection fraction in a population-based study’,
N Engl J Med, 2006, 355:260
14 Owan TE, Hodge DO, Herges RM et al., ‘Trends in Prevalence and Outcome of Heart Failure with Preserved Ejection Fraction’,
N Engl J Med, 2006, 355:251
15 Jeevanatham V, Butler M, Saad A et al., ‘Adult bone marrow cell therapy improves survival and induces long-term improvement in cardiac parameters. A systematic review and meta-analysis’,
Circulation, 2012, 126:551
16 Makkar RR, Smith RR, Cheng K et al., ‘Intracoronary cardiosphere-derived cells for heart regeneration after myocardial infarction (CADUCEUS). A prospective, randomised phase 1 trial’,
Lancet, 2012, 379:895
17 Porrello ER, Mahmoud AI, Simpson E et al., ‘Transient regenerative potential of the neonatal mouse heart’,
Science, 2011, 331:1078
18 Song K, Nam YJ, Luo X et al., ‘Heart repair by reprogramming non-myocytes with cardiac transcription factors’,
Nature, 2012, 485:599
19 Abbott A, ‘Doubts over heart stem-cell therapy’,
Nature, 2014, 509:15
20 KCE, ‘Chronische Lage Rugpijn’,
Federaal Kenniscentrum voor de Gezondheidszorg (KCE), 2006, KBC Reports, Vol 48 A
21 www.guy-declerck.com / Degenerative Discogenic Syndrome / Therapeutic Considerations
22 Weintraub A, ‘Prickly painkiller. An experimental plant extract may end intractable pain with a single injection’,
Scientific American, July 2013:17
23 Kupferschmidt K, ‘From toxins to treatments. Researchers are hoping to find lifesaving drugs in the deadly venoms from snakes and other animals’,
Science, 2013, 342:1162
24 Yang S, Xiao Y, Kang D et al., ‘Discovery of a selective NaV1.7 inhibitor from centipede venom with analgesic efficacy exceeding morphine in rodent pain models’,
Proc Natl Acad Sci U S A (PNAS), 2013, 110:17534
25 Rifkin Jeremy, ‘De derde industriële revolutie’, 2014, Nieuw Amsterdam

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