Données préliminaires à la compréhension des fonctions du disque

Introduction

Le disque est une structure complexe qui s’altère fortement à mesure qu’elle vieillit et se dégénère. Lorsque le disque ne fonctionne plus bien, notre qualité de vie s’en retrouve fortement diminuée. Avec un peu de chance, on arrivera bientôt à optimiser les technologies de mesure du dos existantes. Actuellement, un scan du dos permet de savoir, facilement et pour un prix avantageux, quel(s) disque(s) n’est (ne sont) plus capable(s) de supporter les charges et mouvements complexes (Fig. 1). L’avantage de cette technique est de ne pas devoir renvoyer le patient chez lui avec une « cause aspécifique » de ses douleurs dorsales1,2. De plus, cette technique peut être utilisée pour développer un traitement préventif personnalisé et ciblé. Les examens du bas du dos par rayons X3,4 ou IRM5,6,7 peuvent donc être retardés, et parfois même annulés. Bien entendu, dans la mesure où c’est ce que veut le patient8,9. Quoiqu’il en soit, les patients ne devraient pas se faire de soucis. 80 % des radios du dos montrent la même exacte structure, qu’il y ait des douleurs ou non10,11.

rugscan

Fig. 1. Le scan du dos, matériel innovant, permet aux professionnels médicaux et paramédicaux de savoir très facilement et pour un prix abordable quel(s) disque(s) ne peu(ven)t plus assurer leurs fonctions complexes de manière normale. L’analyse est faite en trois positions différentes : debout au repos, penché en avant avec des poids en main et dans une position légèrement penchée en arrière. Les mesures à droite montrent que les disques du bas du dos n’arrivent plus à répartir équitablement la charge qui s’exerce sur elle. Cela indique un processus de dégénérescence progressif et irréversible. Cela peut impacter l’équilibre normal de la colonne vertébrale, c’est pourquoi une compensation apparait au niveau de la nuque lorsque le patient se penche vers l’avant. Sur base de ces altérations visuelles, les médecins et kinésithérapeutes peuvent beaucoup plus facilement déterminer le traitement à prescrire, que par les autres techniques traditionnelles de visualisation.

Le bas du dos, l’Atlas de la mythologie grecque

Tout comme la figure mythologique grecque Atlas, qui devait supporter le poids du monde sur ses épaules jusqu’à la fin des temps, les vertèbres et disques doivent supporter la majeure partie du poids du corps (= kg x force gravitationnelle). Ils doivent aussi pouvoir résister aux muscles dorsaux qui peuvent exercer d’énormes forces de compression sur les disques. Essayez de les sentir se contracter lorsque vous marchez. Sans ces muscles, nous ne pourrions pas nous tenir debout. Pour finir, les vertèbres et les disques doivent aussi résister aux charges et pressions des activités quotidiennes

Problème ! Les disques vieillissent trop tôt

Malheureusement, le bas du dos est incapable d’assurer ces activités à vie. Les disques sont les premiers organes à vieillir à partir de 20 ans (voir article « Douleurs lombaires chez les jeunes : les plaques terminales, première cause des douleurs »). Il est alors relativement facile de comprendre pourquoi les disques ne peuvent assurer leur rôle parfaitement que pendant les vingt premières années sans problème et d’amortir les forces de compression en les répartissant équitablement sur les différentes vertèbres12.

Pour pouvoir fonctionner correctement, les disques doivent être pleins d’eau

Les jeunes disques sains sont seulement en état d’assurer parfaitement leurs fonctions lorsqu’ils contiennent assez d’eau. C’est le cas jusqu’à l’âge 15 à 20 ans : à cet âge, le noyau se compose de 70 à 85 % d’eau. Les plaques terminales contiennent 70 % d’eau et l’anneau fibreux, 50 % d’eau (voir article « Douleurs lombaires chez les jeunes : les plaques terminales, première cause des douleurs »). Grâce à leur concentration d’eau, les disques et les corps vertébraux sont séparés l’un de l’autre. Tant que la pression hydrostatique des disques s’adapte aux différentes activités du quotidien (voir plus loin), les vertèbres peuvent se plier l’une contre l’autre, et dans une certaine limite, glisser et pivoter l’une par rapport à l’autre13,14.

Les fonctions discales normales sont impossibles sans une grande quantité de fibres de collagène

Afin de pouvoir résister aux forces de pressions et aux mouvements, les disques doivent aussi être résistants et flexibles. C’est pourquoi les noyaux et les plaques terminales comprennent une grande quantité de fines fibres de collagène élastique (type 2). L’anneau fibreux est plus coriace, car il est constitué de nombreuses fibres de collagène coriace (type 1). Remarque : N’oublions pas que les disques et les vertèbres font usage des articulations facettaires orientées vers l’arrière afin que les mouvements du dos se déroulent normalement (voir article « Les articulations facettaires peuvent-elles provoquer des douleurs ? »).

Le disque est bien trop rigide pour pouvoir amortir les chocs

Dans une voiture, des pistons dans les amortisseurs cylindriques sont toujours en mouvement afin d’amortir les chocs. En comparaison, les disques ne bougent pas du tout ! D’un point de vue mécanique, ils sont trop coriaces pour celà15. Chacune des trois parties du disque se compose d’un type de cartilage différent, avec ses propriétés mécaniques propres. C’est pourquoi le disque n’est pas en état d’amortir les chocs de manière uniforme. Sauf après un accident, les différentes parties du disque ne s’usent donc pas au même rythme. Ce seront généralement les plaques terminales qui lâcheront en premier, ensuite l’anneau fibreux et enfin le noyau.

Qu’entend-on par « rigidité » ?

Afin de déformer un objet donné, on doit exercer sur lui une force. Comparez pour l’exemple un carton avec un morceau de marbre : le carton sera bien plus facile à écraser qu’une boite à biscuits en fer. Chaque structure possède une certaine rigidité, une sorte de résistance propre à la déformation (Fig. 2).

discusdiscus

Fig.2

Le terme « rigidité », ou « raideur » est utilisé en mécanique afin de calculer dans quelle mesure un objet particulier est en état de résister à une force de déformation. La déformation atteinte par une certaine force est exprimée en Newton. La rigidité est alors de N/mm. Les différentes parties du disque ont différentes rigidités. L’objet se déchirera ou se fissurera lorsque leur capacité à résister à la déformation sera excédée par une force externe.

Quelles sont les forces qui s’exercent sur le tissu discal ?

Dans la zone lombaire, les disques doivent supporter d’énormes charges. Chez un homme de 75 kg debout au repos, la charge sur les disques représente 80 kg/cm2 16. Cela revient environ au poids de 8 bacs de bières ! Si la surface du disque L4-L5 est en moyenne de 6 cm2, une simple addition nous permet de savoir que le disque est capable de supporter environ 48 bacs de bières pleins. Il est donc logique que les parties du disque fatiguent et finissent même par lâcher. En anglais, on parle de « fatigue failure »17. Il est comparable à une grue qui s’effondrerait, car son métal cède sous son poids.

Quelles sont les pressions mesurables dans les disques ?

Sous anesthésie locale et par rayons X, il est assez facile d’introduire une aiguille dans le noyau discal pour mesurer sa pression à l’aide d’un manomètre. On peut donc directement mesure la pression des disques lorsqu’une personne s’assied, se couche, se lève ou se penche. Les valeurs données par cet instrument de mesure permettent de savoir si ce disque est encore en état d’assurer ses fonctions normales sans problème.

Chez les individus sains, sans douleur lombaire, la pression en position assise varie entre 460 et 1330 kPa, entre 91 et 539 kPa en position couchée (ventrale ou dorsale), et en position debout entre 500 et 870 kPa18,19,20,21. Les forces de pression les plus extrêmes (2300 kPa) sont calculées en position debout, légèrement penché vers l’avant et avec 20 kg de poids en mains21.

Dans l’article suivant, nous donnerons un résumé des conclusions scientifiques intéressantes concernant les précieuses fonctions du disque dans le bas du dos.

Références

1 Hartvigsen J, Hancock MJ, Kongsted A et al., ‘What low back pain is and why we need to pay attention’, Lancet, 2018, 391:2356
2 Foster NE, Anema JR, Cherkin D e al., ‘Prevention and treatment of low back pain. Evidence, challenges, and promising directions’, Lancet, 2018, 391:2368
3 Deyo RA, Diehl AK, ‘Lumbar spine films in primary care. Current use and effects of selective ordering criteria’, J Gen Intern Med, 1986, 1:20
4 Suarez-Almazor ME, Belseck E, Russell AS, ‘Use of lumbar radiographs for the early diagnosis of low back pain. Proposed guidelines would increase utilization’, JAMA, 1997, 277:1782
5 Powell MC, Wilson M, Szypryt P et al., ‘Prevalence of lumbar disc degeneration observed by magnetic resonance in symptomless women’ Lancet, 1986, 2:1366
6 Boden SD, McCowin PR, Davis DO et al., ‘Abnormal magnetic-resonance scans of the lumbar spine in asymptomatic subjects’, J Bone Joint Surg, 1990, 72A: 1178
7 Jensen MC, Brant-Zawadzki MN, Obuchowski N et al., ‘Magnetic resonance imaging of the lumbar spine in people without back pain’, N Engl J Med, 1994, 331:69
8 Deyo RA, Diehl AK, Rosenthal M, ‘Reducing roentgenography use. Can patient expectations be altered?’, Arch Intern Med, 1987, 147:141
9 Cherkin DC, Deyo RA, Wheeler K et al., ‘Physician variation in diagnostic testing for low back pain. Who you see is what you get’, Arthritis Rheum, 1994, 37:15
10 van Tulder MW, Assendelft WJ, Koes BW et al., ‘Spinal radiographic findings and nonspecific low back pain. A systematic review of observational studies’, Spine, 1997, 22:427
11 Chou R, Deyo RA, and Jarvik JG, ‘Appropriate use of lumbar imaging for evaluation of low back pain’, Radiol Clin North Am, 2012, 50:569
12 Adams MA, Roughley PJ, ‘What is intervertebral disc degeneration, and what causes it?, Spine, 2006, 31:2151
13 Humzah MD, Soames RW, ‘Human intervertebral disc. Structure and function’, Anat Rec, 1988, 220:337
14 Newell N, Little JP, Christou A et al., ‘Biomechanics of the human intervertebral discs. A review of testing techniques and results’, J Mech Behav Biomed Mater, 2017, 69:420
15 Adams MA, Bogduk N, Burton K, Dolan P, ‘The biomechanics of back pain’, Third edition’, Churchill Livingstone, Elsevier, 2013:126
16 INSERM, Institut National de la santé et de la recherche médicale, Paris
17 Adams MA, Bogduk N, Burton K, Dolan P, ‘The biomechanics of back pain’, Third edition’, Churchill Livingstone, Elsevier, 2013:138
18 Nachemson A, Morris J, ‘Lumbar discometry. Lumbar intradiscal pressure measurements in vivo’, Lancet, 1963, 1:1140
19 Nachemson A, Morris JM, ‘In vivo measurements of intradiscal pressure. Discometry, a method for the determination of pressure in the lower lumbar discs’, J Bone Jt Surg, 1964, 46A:1077
20 Sato K, Kikuchi S, Yonezawa T, ‘In vivo intradiscal pressure measurement in healthy individuals and in patients with ongoing back problems’, Spine, 1999, 24:2468
21 Wilke HJ, Neef P, Caimi M et al., ‘New in vivo measurements of pressures in the intervertebral disc in daily life’, Spine, 1999, 24:755

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