Aucune recherche scientifique ne garantit une certitude absolue

L’évidence ne garantit pas l’efficacité ! Surtout continuez à vous poser des questions.

Le succès d’un traitement

Le succès d’une thérapie ne dépend aucunement des effets de la médication, qu’ils soient connus ou non. Il dépend en plus large mesure du cadre de vie du patient : sa façon de vivre, son régime alimentaire, comportement, ses tensions, les facteurs socio-économiques, et surtout l’hygiène. J’ai pu constater personnellement que des médicaments administrés de manière routinière en occident, n’avaient quasi aucun effet dans des pays sous-développés1.

Traitements basés sur des informations complexes et douteuses

Des décisions médicales concernant les traitements à suivre – et certainement quand il s’agit de douleurs chroniques – sont très souvent prises sur la base d’informations complexes et douteuses2. Pourquoi ? Pourquoi la médecine moderne ne dispose toujours pas de connaissances suffisantes pour déterminer la thérapie à suivre ? Pourquoi la médecine traditionnelle se base uniquement sur l’évidence, et non pas sur des preuves ‘noir-sur-blanc’ ? Doit-on s’étonner alors que les médecins continuent à ‘deviner, expérimenter et se tromper’ ?

La médecine préfère le terme ‘évidence’ plutôt que ‘preuve’.

En tant que médecin, j’exige une preuve que le ‘traitement’ sera à même de gérer la pathologie, non seulement dans des pays européens, mais dans le monde entier3,4,5,6,7. Dans la médecine traditionnelle, on préfère donc parler plutôt d’ ‘évidence’ plutôt que de ‘preuve’. En anglais, on utilise une expression savante ‘evidence based medicine’. Ce qui paraît évident, peut facilement être considéré comme vrai, mais n’est pas une preuve pour autant. L’évidence ne garantit donc en aucun cas que le traitement agira de manière efficace. Malgré l’ ‘évidence’ de beaucoup de traitements pharmaceutiques, des évaluations au niveau européen indiquent que leur ‘évidence’ ne suffit pas en 55% à 68% des cas pour supprimer la douleur de manière adéquate.

Présenter une donnée incorrecte comme ‘évidente’

D’ailleurs, il n’est pas très difficile de présenter une donnée incorrecte comme ‘évidente’. A travers les siècles, ce fut une des méthodes les plus utilisées pour pratiquer le lavage de cerveau collectif. Ben Goldacre, médecin, psychiatre et autorité mondiale en matière de ‘médecine basée sur l’évidence’ (université d’Oxford) a écrit un excellent livre à ce sujet en 2012 : ‘Bad Pharma: How Drug Companies Mislead Doctors and Harm Patients’.

Les études fournissent rarement des preuves absolues

Depuis l’explosion d’articles scientifiques qu’on a connu durant les années 1970 et surtout à cause d’une pression à publier bien réelle, la littérature médicale regorge d’études scientifiques. On estime que chaque année environ 1.500.000 études sont publiées. C’est comme une foire aux lampes ou aux meubles ou comme un défilé de mode ‘glitter glamour’ : trop joli pour être vrai ! En fin de compte, on n’arrivera jamais à prouver que tel ou tel traitement aura les mêmes effets pour tout le monde et partout dans les monde. Génétiquement, nous sommes trop différents les uns des autres.

Rarement, les études, mêmes si elles ont été parfaitement menées, fournissent des preuves absolues. Rarement, on parvient à proposer des arguments irréfutables et absolument convaincants pour démontrer qu’un produit agit efficacement pour chaque personne dans le monde entier. Toujours, il y a un groupe important de patients chez qui une thérapie, malgré toutes les bonnes intentions, n’a aucun effet. Différentes études qui évaluent un même produit peuvent d’ailleurs fournir des résultats tout à fait contraires. Bon nombre de traitements traditionnels s’avèrent n’avoir aucun effet en pratique, ou même des effets tout à fait inverses pour de nombreux patients atteints de symptômes identiques. Parfois, les effets secondaires sont même pires que le mal pour lequel le traitement a été prescrit.

Tout le monde, tant les non-professionnels, les patients que les médecins, désirent des informations correctes

Tout le monde souhaite des solutions, même si certains traitements sont (temporairement) difficiles à être appliqués et / ou n’ont pas encore été scientifiquement prouvés. Parfois, cela mène à la fraude scientifique. Pour protéger les personnes participant à des tests contre les abus et les pratiques immorales, en Inde plusieurs tests cliniques organisés par le ‘USA National Institute of Health’ (NIH), ont été suspendus18. En Allemagne, on a entamé en 2013 une investigation qui a duré cinq ans, concernant des pratiques frauduleuses dans l’ex-Allemagne de l’est où plus de 600 produits pharmaceutiques ont été testés sur plus de 50.000 sujets. Les géants pharmaceutiques commanditaires font jusqu’aujourd’hui semblant d’être étonnés, parce que, officiellement, les études ne présentaient aucun problème. Cela peut paraître bizarre, mais jusqu’à maintenant j’ai toujours constaté que le mensonge donne toujours quelque plaisir, surtout pour celui qui ment.

Les Belges aussi aiment bien servir de cobaye

Toutes les firmes pharmaceutiques savent, dit-on, que les Belges aiment bien servir de cobaye21. En 2015, 170.000 Belges ont participé dans 70 hôpitaux à des tests visant à examiner les effets de 1.578 médicaments.
Selon l’Institut Scientifique pour la Santé Publique, les Belges peuvent se vanter du titre prestigieux de champion européen pour la consommation de pilules. Il paraît qu’en moyenne le Belge avale 40.000 pilules durant sa vie. Cela lui a été inculqué dès sa plus tendre enfance. Probablement, les Belges sont toujours d’avis que pour chaque bobo il existe une petite pilule. Les pilules, c’est pour consommer ! Ironiquement, le mot latin ‘consumere’ signifie également ‘détruire, assassiner, manger, brûler et créer des problèmes’.

onderzoek

La recherche scientifique connaît très rarement des moments ‘euréka’.

Actuellement, il faut plus de 10 ans pour développer un produit efficace. C’est dû au fait qu’il faut toujours trouver les récepteurs biologiques (protéines sur les parois cellulaires), dans lesquels le médicament chimique doit s’imbriquer ou s’amarrer. Dès que les études démontrent qu’un nouveau produit a un certain effet, la chance est bien réelle que le produit sera commercialisé. Le processus entier coûte environ un milliard d’euros22. Cependant, la question reste ouverte si le produit sera efficace pour tout le monde et partout dans le monde.

La recherche n’est pas en mesure de démontrer tous les effets secondaires.

Il n’est en aucun cas possible de connaître les effets secondaires lorsque seulement une centaine de sujets ont été testés23. Mais peut-être la lumière apparaît au bout du tunnel (à moins qu’il ne s’agisse d’un train arrivant à toute vitesse…). Les superordinateurs de Google pourraient éventuellement offrir une solution pour développer – enfin ! – des médications efficaces. Ces ordinateurs ont déjà examiné plus de quatre milliards d’interactions entre des médicaments potentiels et les protéines connues localisées dans les parois cellulaires24,25.

Comment détecter les effets secondaires ?

Il est quasi impossible de découvrir si tel ou tel médicament, traitement ou supplément (même si tout paraît sûr lors du développement) aura des effets secondaires à partir du moment où ces moyens seront appliqués de manière courante26. Cela n’est pas difficile à comprendre si nous nous souvenons d’une règle fondamentale en statistique. Pour pouvoir déterminer avec certitude des effets secondaires dans une personne sur un nombre (n), il faut un projet pilote d’environ 8 fois n2 personnes. Pour détecter donc des effets secondaires néfastes à la santé auprès d’un patient sur 1000, il faut que plusieurs millions de personnes participent au projet pilote (8 x 1000² = 8.000.000!). En pratique, cela demeure complètement impossible à cause du coût beaucoup trop élevé d’un tel projet scientifique. Des examens cliniques sont effectués sur à peine 1000 personnes. Cela peut suffire pour examiner l’efficacité d’un produit, mais c’est largement insuffisant pour mettre en lumière les effets secondaires22,27. Pour cette raison, la ‘médecine basée sur l’évidence’ sera remplacée par une médecine personnalisée efficace28. J’en dirai davantage dans un blog suivant (‘La médecine en 2084’, par analogie avec le roman de George Orwell, 2084).

Méfiez-vous des opinions des experts.

De nombreuses études sont d’un niveau médiocre quant à leur méthode d’investigation, et pour cette raison il est très difficile de les reproduire de manière identique. Néanmoins, beaucoup d’ ‘experts’ de premier rang se basent sur de telles études pour prôner l’efficacité des méthodes étudiées. Par conséquent, de nombreuses applications dans la façon de penser médicale orthodoxe concernant la douleur dans le bas du dos sont actuellement basées sur des opinions d’ ‘experts’, bien que dépourvues de la moindre base scientifique sous-jacente.

En fin de compte, il y beaucoup d’opinions médicales

Il y a beaucoup de gens qui ont leur propre ‘opinion’ sur la question de comment gérer (ou ne pas gérer) sa santé. Durant ma carrière de médecin et de chirurgien, j’ai souvent entendu des opinions bien bizarres de collègues médecins (genre ‘je-sais-tout’), mais aussi de patients ayant leur idée bien à eux. Il voulaient réinventer la roue, possédaient des connaissances médicales ‘cd-rom’ phénoménales et savaient par cœur une multitude de demi-vérités extraites de la libre encyclopédie Wikipédia. Par contre, rares sont ceux qui disposent des facultés intellectuelles nécessaires pour envisager de manière critique leurs propres opinions.

Chacun a le droit de caresser son propre ego

Heureusement, nous ne vivons pas dans une société égalitaire. Bien au contraire, la Cour européenne pour les Droits de l’Homme estime qu’une opinion ne doit pas nécessairement être conforme à la vérité pour être exprimée. Je présume donc (présomption non-basée sur l’évidence !) que les raisons pour lesquelles une personne interprète de manière personnelle les données sur l’efficacité d’un traitement, n’a d’autre but que de caresser son propre ego et de stimuler une sensation d’autosatisfaction. En d’autres termes, on espère ainsi augmenter sa propre production de sérotonine et de dopamine, ce qui est comparable à l’effet d’un placébo sur le cerveau.

Partout dans le monde, les egos aiment bien être caressés

Rien de plus tentant que d’abuser de telle ou telle ‘étude’ pour avoir raison. Pendant des discussions à la télé, dans les journaux et les magazines de santé, les experts médicaux et leurs adversaires jonglent avec des études ‘basées sur l’évidence’. Ces experts réussissent ainsi à infirmer habilement tous les contrarguments et à soulever de véhémentes discussions. Cependant, les questions importantes subsistent. Savoir qu’une médication ou une opération a un effet est une chose. Mais il est beaucoup plus important de découvrir si elles sont également efficaces. C’est surtout le cas concernant les types bénins de douleur dans le bas du dos (voir blog ‘Les explications des douleurs simples et bénignes dans le bas du dos ne sont pas claires dans 80 %- 85% des cas’).

Nous devons donc continuer à nous poser des questions sur les traitements

Tant pour les médecins, les non-professionnels que les patients il est intéressant de réfléchir un peu sur les pensées susmentionnées. Le philosophe et mathématicien Bertrand Russell a écrit dans le livre de Mario Livio qu’ « il ne faut jamais avoir une certitude absolue sur un sujet ». Mais si le doute est souvent perçu comme signe de faiblesse, il demeure un mécanisme de défense efficace. Le doute est souvent même une méthode de travail essentielle pour pratiquer l’autocritique et la science correcte29. L’auteur latin Cicéron prônait déjà cette thèse il y a plus de 2000 ans : « Dubitando ad veritatem pervenimus’ » (c’est par le doute que nous parvenons à la vérité).

Dans les blogs suivants, je parlerai brièvement des résultats de la recherche scientifique sur l’origine de la douleur bénigne dans le bas du dos.

Références

1 www.guy-declerck.com / About Mr. Guy Declerck MD / Humanitarian Surgical function
2 Scott IA, ‘Errors in clinical reasoning. Causes and remedial strategies’,
British Medical Journal (BMJ), 2009, 338:1860
3 Ellis J et al., ‘Inpatient general medicine is evidence based. A-Team, Nuffield Department of Clinical Medicine’,
The Lancet, 1995, 346:407
4 Michaud G et al. ‘Are therapeutic decisions supported by evidence from health care research?’
Arch Intern Med, 1998, 158:1665
5 Nordin-Johansson A et al., ‘Randomized controlled trials and consensus as a basis for interventions in internal medicine’,
J Intern Med, 2000, 247:94
6 Ayre et al., ‘Are therapeutic decisions made on the medical admissions unit any more evidence-based than they used to be?’,
J Eval Clin Pract, 2009, 15:1180
7 Chapman G et al., ‘Evidence based medicine – older, but no better educated?’,
The Lancet, 2013, 382:1484
8 Breivik H, Collett B, Ventafridda V et al., ‘Survey of chronic pain in Europe. Prevalence, impact on daily life, and treatment’,
Eur J Pain, 2006, 10:287
9 InSites Consulting. Pain Proposal Patient Survey. August – September 2010
10 European Parliament, ‘New report reveals inefficient management of chronic pain costs Europe billions of euros each year. One in five people with chronic pain unable to work due to their pain’,
Business Wire, September 28, 2010
11 Grol R et al., ‘From best evidence to best practice: effective implementation of change in patients' care’,
The Lancet, 2003, 362:1225
12 Chalmers I et al., ‘Avoidable waste in the production and reporting of research evidence’,
The Lancet, 2009, 374:86
13 Cartwright N, ‘A philosopher's view of the long road from RCTs to effectiveness’,
The Lancet, 2011, 377:1400
14 Gotzsche Peter, ‘Deadly medicines and organized crime. How big pharma has corrupted healthcare’,
Radcliffe Publishing, 2013
15 Lipton B, https://www.youtube.com/watch?v=O5wzYNMHwn8
16 Vogel G, ‘Suspect drug research blamed for massive death toll’,
Science, 2014, 343:473
17 Chalmers I, ‘The art of medicine. The development of fair tests of treatments’,
The Lancet, 2014, 383:1713
18 Bhattacharjee Y, ‘Clinical trials paused as India adopts new rules’,
Science, 2013, 341:327
19 Hyde R, ‘Germany launches investigation into human trials scandal’,
Lancet, 2013, 382:115
20 Eckert M, ‘De Stasi-files. De Oost-Duitse proeftuin van Janssen Pharmaceutica’,
De Standaard, zaterdag 1 maart 2014
21 Vermeiren S, ‘We zijn Europees kampioen in nieuwe medicijnen testen. 170.000 Belgen spelen proefkonijn’,
Het Laatste Nieuws, 2016, 10 mei:10
22 Editorial, ‘Accelerating drug discovery’,
Lancet, 2014, 383:575
23 Matthews R, (Aston University, Birmingham, UK), ‘A risk we have to swallow’,
New Scientist, 2005, March:23
24 Lounkine E, Keiser MJ, Whitebread S et al. ‘Large-scale prediction and testing of drug activity on side-effect targets’,
Nature, 2012, 486:361
25 Reardon S, ‘Project ranks billions of drug interactions. Drugable.com predicts mechanisms through computation’,
Nature, 2013, 503:449
26 Lambert S, Ropiequet S, ‘The New Papyrus: The Current and Future State of the Art’,
Microsoft Press, 1986 – ISBN 9780914845751
27 Allison M, ‘Reinventing clinical trials’,
Nature Biotechnol, 2012, 30:41
28 Horwitz RI et al., ‘(De)Personalized Medicine’,
Science, 2013, 339:1155
29 Mario Livio, ‘Brilliant Blunders. From Darwin to Einstein - Colossal Mistakes by Great Scientists that Changed our Understanding of Life and the Universe’,
Simon & Schuster, 2013